Dans la première scène de ce western, un homme prend tous les risques pour en sauver un autre de la pendaison, en attaquant la prison du shérif qui l’avait incarcéré. Pour le remercier, le libéré s’empresse de menacer de mort son libérateur. À ce stade, le spectateur se dit « voilà un sauveur particulièrement mal avisé ou un scenario bien pourri ».
Ce n’est que progressivement que le film dévoile son véritable propos, permettant d’expliquer cette introduction : une histoire d’amour qui n’est plus partagée entre deux hommes mais qui les hante encore.
Alors, pas d’embrassades à gorges déployées comme dans « Le secret de Brokeback mountain » d’Ang Lee, le film a été tourné à la fin des années 50 tout de même et, en plus, il débute alors que l’un des deux personnages principaux souhaite prendre ses distances avec son passé (il est devenu shérif après une vie d’exactions dans les francs-tireurs pendant et après la guerre de sécession, il va se fiancer).
Mais, enfin, le thème de l’homosexualité est aussi explicite que cela pouvait l’être à l’époque : un témoin du passé des deux hommes dit : « le drame, Jake, c’est que Clint n’a jamais aimé quelqu’un autant qu’il vous a aimé » et ledit Clint est clairement jaloux de la fiancée de Jake. On apprend, par ailleurs, au détour d’une conversation, que les deux messieurs, détail curieux dans un western, envisageaient d’aller visiter les Alpes suisses… Le fait que le film ait été produit par la supposée consensuelle Metro Goldwyn Mayer est une autre source d’étonnement. Seul « L’homme aux colts d’or », l’excellent western d’Edward Dmytryk, rappelle, à la même époque, une telle configuration avec le couple Henry Fonda/Anthony Quinn.
L’interprétation est, bien entendu, dominée par la paire Richard Widmark/Robert Taylor.
Le premier, électrique, est remarquable en psychopathe furieux et dangereux (un type de rôle qu’il maîtrisait sur le bout des doigts depuis « Le carrefour de la mort » d’Hathaway ou « La porte s’ouvre » de Mankiewicz), mais, et c’est là le talent, il sait, aussi, mettre de l’ambiguïté dans son personnage. À un moment, il s’étonne qu’il ait été honoré et récompensé pour les pillages et les meurtres lors de la guerre de sécession alors que les mêmes activités lui valent la corde en temps de paix…
Robert Taylor, vêtu de noir, au jeu sobre et maîtrisé, n’est pas mal non plus. Son allure de séducteur ténébreux le sert ici…
Bon, allez-vous me dire, « Le trésor du pendu » est un « sur-western » (selon l’expression forgée par André Bazin) qui privilégie la psychologie et le bavardage à l’action. Que nenni, le réalisateur John Sturges qui a donné son meilleur dans les années 50 (« Fort Bravo », « Un homme est passé », « Le dernier train de Gun Hill ») nous gratifie de superbes scènes d’action (attaque nocturne d’indiens, duel final...) dont la mise en scène précise n’a rien à envier aux westerns d’Anthony Mann. Il met bien en valeur le paysage américain et le décor de la petite ville abandonnée, surmontée de son cimetière, est magnifique.
Un film étonnant et réussi.