Il est étrange de se rendre compte à quel point Robert Rodriguez est irrégulier; quand il n'est pas placé entre de bonnes mains (souvent celles de Tarantino), il part tellement en vrille qu'il ne sait plus faire la différence entre imagination trop fertile et idées pertinentes. Cela, on le ressentait déjà avec le premier Spy Kids, pour lequel il partait tellement en biberine qu'il en venait à trahir l'esthétique même de ses anciens films.
Succès pour toute une génération, il fallait lui donner suite, créer une nouvelle saga des cendres de la carrière de réalisateur du mexicain. Désormais faiseur de divertissements pour enfants, il devait, entre deux suites décevantes, assoir sa réputation de Yes Man auprès des Weinstein. Repart donc le trip sous-acide du premier, avec cette fois plus de créatures étranges, de designs douteux et d'idées de merde.
Cochons volants, gadgets à profusion si nombreux que c'en est rapidement grotesque, énumération à n'en plus finir d'agents aux sobriquets toujours plus bondiens, situations grotesques entraînant le rire à ses dépends; Spy Kids 2 : Espions en herbe a donc, pour principale qualité, celle non négligeable d'être généreux avec son spectateur, se flinguant souvent par cette même volonté de le satisfaire.
Son scénario, bordélique et complètement incohérent, repose sur des principes scientifiques dont Rodriguez n'a pas compris le quart, et qui rajoutent à l'impression de voir un nanar grandeur nature, si mauvais qu'il en devient presque abstrait. Son intrigue, généreuse et riche en rebondissements, tente de se réapproprier les ficelles des grands films d'espionnage, tout en multipliant les clins d’œil aux références du genre, James Bond oblige (La Menace Fantôme et le Spider-man de Sam Raimi prennent cher, sans que Ray Harryhausen ne soit épargné).
Elle n'y parvient forcément jamais, croyant du début à la fin que c'est par l'excès, la démesure, toujours plus d'action et de gadgets exubérants que le spectateur la considérera comme divertissante et réussie. Spy Kids 2 oublie en chemin qu'il faut, pour réussir à captiver son public, des enjeux certes planétaire, mais à échelle humaine, cohérents avec les plans que pourrait avoir un homme désireux de dominer le monde; il lui faut, pour que le spectateur s'y retrouve, des revendications crédibles et responsables, pas toutes ces répliques sorties de la cour de récrée, où l'interprète désigné du méchant, qu'on connaît forcément depuis le départ, aurait peur de sa petite soeur au moment de devoir rentrer à la maison (ou sa fille).
Tout est à ce point assumé qu'on n'y croit forcément plus; en réponse à cela, Espions en herbe se contente de multiplier les idioties et les inventions, s'empêtrant dans la volonté d'impressionner, d'inventer pour palier ses évidents défauts, notamment de mise en scène. Rodriguez ayant perdu toute personnalité dans le premier volet, il lui fallait aller au bout des choses, n'ayant d'intérêt que pour ses scènes filmées à la première personne pour représenter une machine en mouvement.
Le reste, sans véritable recherche, se contente de filmer les scènes d'action comme Rodriguez sait le faire depuis le premier opus, occultant toute la partie sensuelle et sanglante de sa mise en scène. Loin des canons de Desperado, il réinvente le divertissement pour enfant en y apposant sa touche, celle du nanar démesuré. Espions en herbe perd rapidement tout sens logique et nous entraîne dans des affrontements aussi funs que grotesques, portés par des acteurs égaux à leurs performances précédentes.
S'ajoute au casting original un Steve Buscemi en complet surjeu, preuve qu'Antonio Banderas reste le seul intérêt d'un casting bordélique et qui surjoue. N'allons pas jusqu'à dire que sa performance est convaincante; non, elle ne l'est jamais, seulement qu'il possède cette désinvolture naturelle propice à l'incarnation de ce genre de rôles excessifs. N'évoquons pas le travail en CGI qui commence à prendre le pas sur les costumes et les maquillages, ni ces fonds-verts repérables à 3000, preuve que le numérique entame sa lente domination de la saga et, de manière plus générale, du cinéma de genre.
C'est laid, mal coloré, mal éclairé, ridicule et comique, mal interprété, mal écrit, mais il y a toujours, dans le travail de Rodriguez, ce côté passionné qui ressort. Même quand il est joue les Yes Man, qu'il devient le pire tâcheron au service des pires producteurs, il garde cette personnalité de cinéphile passionné, et livre un travail, sinon bon, surtout généreux. Même si c'est mauvais, au moins est-ce suffisamment sincère pour ne pas dégoûter son spectateur.
Des espions en herbe qui n'auraient pas du trop en fumer.
Surréaliste.