Malgré son millésime 1970, ce film reste l’un des meilleurs, voire le meilleur, sur l’attaque surprise de la base navale américaine de Pearl Harbor. Filmé en panavision, je fus sidéré par le fait que cette production soit si vieille. Cela se voit à l’image, bien sûr, puisque cette dernière a subi les outrages du temps et en a gardé quelques séquelles que la restauration n’aura pas réussi à effacer complètement, tout comme le son alors que ce dernier était en course pour une récompense à la 43ème cérémonie des Oscars. Malgré quelques erreurs historiques dont je parlerai plus bas, "Tora ! Tora ! Tora !" se laisse regarder comme un document qui se développe en 2 parties (nomination aux Oscars 1971 pour la meilleure direction artistique). D’abord la préparation de ce raid alors que ni le Japon ni les Etats-Unis ne sont en guerre. Entre tergiversations, négociations, infos et intox, intimidations, et préparatifs, nous suivons avec le plus grand intérêt et un certain désarroi l’élaboration d’une logique de guerre, une logique renforcée par un attentisme assez incroyable des services de renseignements américains, ce qui va contribuer au désastre que nous connaissons tous sous les traits de l’une des plus graves agressions de toute la Seconde Guerre Mondiale. Bien qu’il y ait quelques têtes connues habituées aux seconds rôles la plupart du temps, on notera l’absence de grands noms sur l’affiche, mis à part l’américain Richard Fleischer, illustre réalisateur de "20 000 lieues sous les mers", "Les vikings", ou encore "Barabbas" pour ne citer qu’eux. Cela dit, il n’était pas le seul et unique chef d’orchestre puisqu’il a partagé sa baguette avec les japonais Kinji Fikasaku et Toshio Masuda, ces deux-là ayant réalisé les parties japonaises. D’une façon générale, on ne voit pas de différence de style, si ce n’est le contraste entre les deux cultures. Mieux, on les a étroitement entremêlées en alternant tour à tour les séquences japonaises avec les américaines. Ce montage, que je trouve assez formidable (il fut d’ailleurs nominé aux Oscars), permet de suivre en temps réel (ou presque) la préparation de cet acte de guerre, mais aussi de dresser la longue liste d’erreurs qui rendirent cette attaque possible et aussi dévastatrice pour les forces américaines. Le film donne donc une description assez réaliste des événements, d’autant plus que des efforts considérables ont été mis en œuvre pour nous offrir cette reconstitution, étant donné qu’en cette année 1970, plus aucun avion n’était en état de voler, pas plus qu’il ne restait de bateau japonais d’époque. Pour ce faire, les avions japonais ont été simulés par des avions d’entraînement américains North-American T-6 et BT-13 Valiant après avoir rallongé les fuselages de 2 mètres tout en modifiant les capots et pare-brise. Le résultat visuel est confondant, et permet de crédibiliser l’attaque avec des prises de vues incroyables, tout en prenant soin d’ajouter quelques images d’archives, comme ce B-17 désarmé qui atterrit sur une roue. Cependant, comme le souligne l’internaute cinéphile Estonius, quelques libertés ont été prises avec la réalité, puisque tout le monde sait qu’il y a eu deux raids distincts, alors que nous n’en voyons qu’un (la vraie histoire est que les japonais ont renoncé à la 3ème vague). De même, le porte-avion que nous voyons entrer dans la rade de Pearl Harbour était en fait un bâtiment d’assaut. Ceci dit, ces libertés ne sont pas vraiment fondamentales, et l’essentiel est préservé. Assurément du grand spectacle sans réel parti-pris, boosté par une pyrotechnie maîtrisée (Oscar des meilleurs effets spéciaux), et à la photographie intéressante (nominée également).