Neuf ans après leur dernier long-métrage d’animation, les studios Disney signent leur grand retour avec Cendrillon, en 1950, un succès qui marque la fin d’une décennie de ralentissement des activités résumé en simples compilations de courts et moyens-métrages, et permet de sortir l’entreprise de ses difficultés financières.
Au tout début des années 1940, après le succès de Blanche-Neige et les Sept Nains ainsi que les sorties de Pinocchio, Fantasia et Bambi, le studio prépare déjà trois nouveaux projets de longs-métrages d’animation : Cendrillon, Alice au pays des merveilles et Peter Pan. Mais les conséquences financières de la Seconde Guerre mondiale contraignent Disney à les abandonner pour concentrer leurs efforts sur de petites productions, moins chères à produire, en espérant dégager suffisamment de bénéfices pour relancer les projets enterrés.
Parmi eux, Cendrillon, une énième adaptation du conte éponyme de Charles Perrault, publié en 1697, reprenant lui-même un conte très ancien et aux versions différentes selon les civilisations. Dès 1933, Walt Disney envisage de l’adapter en court-métrage dans la série Silly Symphonies, mais pour une raison inconnue, le projet est abandonné. Il revient au début des années 1940, avec ceux d’Alice au pays des merveilles et de Peter Pan. Mais parce que l’histoire de Cendrillon lui rappelle celle de Blanche-Neige, Walt Disney décide de concentrer ses efforts sur cette production. Toutefois, en raison de la grève de 1941, le projet est interrompu. Bien qu’il reprenne ensuite, son développement prend du retard et n’avance pas, principalement à cause des difficultés financières et matérielles rencontrées par le studio durant la Seconde Guerre mondiale.
L’année 1947 marque un tournant dans la production du film. En mars, le scénario est presque achevé, et la situation financière du studio s’améliore, même s’il reste encore endetté. Les méthodes de réduction des coûts sont donc maintenues et entrainent le découpage de plusieurs scènes. Le principal défi auquel se heurte le studio est similaire à celui de Blanche-Neige, avec une histoire originale trop succincte pour faire l’objet d’un long-métrage à elle-seule. L’enjeu est donc d’ajouter des personnages secondaires et des évènements pour enrichir l’histoire, comme le conflit entre le chat Lucifer et les souris. En 1948, malgré un désintérêt naissant de la part de Walt Disney pour la production de longs-métrages d’animation, le projet est presque abouti. Il finit par l’être en octobre 1949, avec un budget d’environ 2,5 millions de dollars, une somme importante en comparaison des précédentes productions (seul Pinocchio a atteint un tel budget).
Le 15 février 1950, Cendrillon sort aux Etats-Unis, puis à partir de la fin de l’été sur la plupart des marchés européens. Renouant avec le genre du conte de fées qui a fait son succès avec Blanche-Neige et les Sept Nains, Disney retrouve le succès et Cendrillon parvient à recevoir un bon accueil au box-office. Ainsi, les revenus du film sont estimés entre 4 et 8 millions de dollars pour le studio, ce qui permet de rentabiliser le coût de production. Convaincu par la réception de son dernier long-métrage, Walt Disney décide alors de poursuivre la production de longs-métrages d’animation. De plus, les recettes générées permettent de financer de nouvelles activités, en vertu des choix stratégiques de Walt Disney : fondation d’une compagnie de distribution ; entrée dans la production audiovisuelle ; réalisation de longs-métrages en prise de vue réelle, un choix de production dont on a déjà pu avoir un aperçu dès le début des années 1940 avec les transitions de Fantasia ; et construction du parc Disneyland en Californie.
Cendrillon est donc une étape importante dans l’histoire des studios, car il incarne le début d’un renouveau et une diversification des activités. Ce nouveau long-métrage d’animation se démarque également par son impact psychologique, en participant sensiblement à la création d’un « imaginaire Disney ». Toutefois, les déboires des années précédentes ont laissé des traces visibles dans Cendrillon, avec une qualité artistique inférieure à celle des cinq premiers films, de 1937 à 1942. En cause, une part importante accordée à la répétition de gags animaliers et une esthétique moins développée que dans les films précédents. Mais comme ce fut déjà le cas dans Bambi, la bande-originale se démarque par qualité. Ici, elle parvient même à correspondre au registre du conte de fées, plongeant le spectateur dans un imaginaire enchanté. En 1951, la chanson « Bibbidi-Bobbidi-Boo est d’ailleurs nominée à l’Oscar de la meilleure chanson originale, et l’ensemble de l’œuvre musicale de Cendrillon l’est également, cette fois pour l’Oscar de la meilleure musique de film.