Quand on cite "Le transporteur", on pense automatiquement à Jason Statham. Oui c’est vrai, mais je parlais plus de la… conception. Et là, quel est le nom qui vient immédiatement en tête ? Luc Besson bien sûr ! Oui beeeeeen sauf que ce n’est pas lui qui l’a réalisé. Bon OK, il l’a écrit et produit, ce qui est déjà pas si mal. Mais si le nom de Louis Leterrier à la réalisation n’arrive pas à ressortir (encore qu'il n'était pas tout seul à la baguette), c’est parce qu’on sent grandement l’influence de Besson. Et pourtant, en dépit du grand succès commercial dû en partie à une intrigue relativement décérébrée, Luc Besson a écrit un scénario assez minimaliste. Curieusement, ça a marché et un certain nombre de raisons plausibles pourraient expliquer ce succès, que je vous laisse le soin de remettre dans l’ordre selon vos propres critères d’importance. 1°/ La présence de Jason Statham, qui se place de plus en plus comme le nouveau numéro un des films d’action. 2°/ Le film est très bien rythmé, aéré de quelques moments de répit franchement bienvenus pour développer la psychologie des personnages. 3°/ Les combats sont parfaitement chorégraphiés (sur certains mouvements, ça en devient presque une danse digne d’une soirée d’exhibition), au point de tutoyer le génie grâce à une certaine dose d’originalité liée au lieu (huile de vidange, cale-pieds). 4°/ La belle complicité entre Statham et François Berléand, ce dernier absolument parfait en vieux flic expérimenté au flair infaillible à qui on ne la fait pas. 5°/ Dernière raison et pas la moindre, le film est français ! Alors quand en plus la photo est intéressante, et que la musique accompagne bien le tout (en particulier sur les notes qui annoncent la rudesse des combats), pourquoi se priver ? Pour être un peu rabat-joie, je trouve quand même dommage que l’histoire vire au règlement de comptes dans une surenchère qui a vite fait de crever le plafond. Bon si ce n’était encore qu’un pauvre malheureux plafond qui devait en subir les frais… Ce n’est cependant qu’une étape nécessaire pour glisser vers un sujet plus grave, mais on s’apercevra que tout est lié. Sauf qu’on a beau dire, ça dépasse de loin toutes les règles que s’est fixé ce mystérieux transporteur. Besson a préféré surfer sur un enchaînement de faits qui vous emporte malgré vous. Ma foi, ça se défend, mais c’est relativement contraire à la psychologie du personnage qui fait tout pour couler des jours tranquilles en France loin de son ancien job en toute discrétion, et qui en plus fait en sorte de se mettre à l’abri de toute mauvaise surprise en prévoyant les moindres détails. En parlant de lui, il faut reconnaître que le costume de chauffeur va bien à Jason Statham. Il ferait un bon conducteur de limousine. Sauf qu’il n’opère pas à bord d'un de ces luxueux véhicules, mais plutôt dans une BMW 753i de 1999. Le spectateur se voit invité à le rejoindre dans un parking souterrain bizarrement désert, avant de l’accompagner hors de ce parking pour s’arrêter devant une banque après avoir traversé Nice sous une partition aux notes classiques. Est-il là pour un employé ? le directeur ? un client ? Vous ne tarderez pas à le savoir, mais vous allez être rapidement mis dans le bain de quelque chose qui sort de l’ordinaire et qui accrochera très vite tout votre intérêt. Alors bien sûr, il ne faut pas être très regardant sur la crédibilité de l’histoire. Bah franchement, hein… voir un flic laisser filer un ancien des forces spéciales régler à lui tout seul toute cette affaire est fort de café, il faut le reconnaître. Mais on adore l’idée ! Et on l’adore d’autant plus qu’on aura beaucoup de sympathie pour Tarconi (François Berléand) du fait de ses petits cabotinages. Et puis il y a cette belle complicité qui se tisse autant entre Franck Martin et Tarconi que leurs interprètes. On ne tiendra pas trop compte non plus de l’incroyable facteur chance qui semble coller au héros comme une seconde peau, pas plus que le gros cliché que forme Mr Kwai (Ric Young) en mafieux chinois. Et pour finir, on ne rechignera pas non plus sur le placement hasardeux de la BMW sur le camion porte-autos (deux véhicules sont placés derrière mais il suffit de n’en faire descendre qu’un pour se libérer la voie) après que celle-ci ait sauté miraculeusement le garde-corps du pont. Autrement dit, "Le transporteur" fait partie de ces films auxquels on consent à pardonner beaucoup de choses, simplement parce qu’il est plaisant par le duo improbable que forment de Berléand et Statham, et surtout parce qu’il est foutrement distrayant grâce à toutes les qualités que j’ai cité plus haut (rythme, action, originalité, musique). Alors autant être chauvins !