Corps bousculé, corps emporté, corps plié, corps humilié; au rythme du vent, la jeune héroïne semble disparaître, maltraitée, déchirée par un souffle qui la ronge, comme un démon à quatre pattes. C'est avec une violence terrible que Victor Sjöström peint cette aventure, au pays du vent, où l'homme se lance vers l'inconnu, où il doit affronter la nature hostile, une nature perverse, une nature démente. A la grâce enchanteresse des premières rencontres, sublimée d'une excellente partition, succèdent peu à peu des catastrophes, conduisant l'héroïne jusqu'au repli sur soi, jusqu'à affronter elle-même, seule, cette terrible nature qui semble se déchaîner contre elle. Pourtant quelle poésie en émane, si la jeune femme est dévastée, elle en est aussi reconstruite, et le vent, alors ennemi d'un jour, devient ami de toujours. C'est ce vent là qui à la fois nous inquiète, fait tomber les arbres, menace de nous envoler, c'est aussi ce vent là que nous chantons, idolâtres devant son éternelle poésie, sa tumultueuse divinité. Cette histoire, c'est celle de la transformation la nature hostile à la nature alliée, d'une nature aussi en nous que nous apprenons à guider, de la haine à l'amour, de l'horreur à la poésie, c'est l'histoire de l'existence humaine, faire du lieu inconnu, étranger, son chez soi, là où notre vie prend sens, là où les choses nous aident autant que nous les adorons. Et cela par la force de la raison et, surtout, par la conviction d'aimer.