On rigole bien du côté de chez Penny Marshall, qui marque le pas à Hollywood et qui offre bien des tremplins à des comédiens, comme Whoopi Goldberg dans son premier long-métrage « Jumpin' Jack Flash ». La réalisatrice s’arrache ainsi une nouvelle troupe de qualité, dont l’aval catalyse déjà tout un processus de divertissement réussi. Le chaleureux et l’adorable hantent rapidement un récit, qui n’ira jamais pousser à fond ses curseurs satiriques ou psychologiques vis-à-vis d’une maturité désincarnée chez les adolescents de l’époque. Nous préférerons laisser le rêve et l’aboutissement d’une promesse au premier plan, celui qui s’arme d’espoirs et de recul, même pour ceux qui manquent d’expérience. Cette histoire des plus attendrissante déborde ainsi d’énergie, mais possède suffisamment de réserves pour rester sur le tarmac de la politesse.
Tout n’est pas parfait, mais ce sont ces quelques moments maladroits qui génèrent cette traînée émotionnelle inattendue et évidemment bienvenue. Et c’est sur la silhouette et l’habilité d’un Tom Hanks désemparé qu’on se laisse séduire. Josh Baskin a son vœu exaucé et c’est donc dans la peau d’un trentenaire qu’il doit finalement survivre et affronter le monde de demain, celui dont il convoite les possibilités, la liberté, mais dont il ignore tout des responsabilités. De ce postulat, on passe sous silence l’impact de sa soudaine évasion ou émancipation forcée, mais le schéma reste identique à cette vie qui ne cesse d’avancer pour chacun et chacune d’entre nous, à la recherche d’une stabilité de l’emploi et d’une vie privée épanouissante. C’est à la jonction des deux que Josh évolue, malgré sa poussée de croissance. Et en tutoyant d’assez prêt l’univers bureaucratique, tout en restant à l’aise avec ce qu’il sait faire de mieux de ses treize ans d’âge mental, il reste suffisamment lucide pour se laisser embarquer par le système de récompense, au détour d’un job très compétitif. Ce modèle n’a rien de satisfaisant et pourtant, le merchandising américain bat son plein et garantit une certaine forme de confort pour les employés les plus investis et les plus ambitieux.
Josh n’a pas forcément la volonté pour s’alimenter des deux, mais sa naïveté, égarée dans cet abattoir technique et numérique, lui vaut une certaine reconnaissance. Ses pairs ont ainsi délaissé leur âme d’enfants pour mieux se fondre dans la masse et afin de mieux investir les objectifs d’entreprise, sondés par la surconsommation qui se dessine en arrière-plan, sans oublier la malbouffe pour arrondir davantage le portrait. Mais l’aventure est surtout humaine et ce ne sont pas les sensations d’apaisements qui manquent. Sa rencontre avec Susan (Elizabeth Perkins) confirme cependant le ton minimaliste des sentiments, malgré l’évocation des désirs sexuels, car on ne sait pas trop comment exploiter ce versant, par crainte de heurter, par crainte de ne pas pleinement l’embrasser. Pourtant, cette accumulation de tendresse maintient ce sourire dans le coin et d’autres personnages sont présents pour nous le rappeler. Habitué à la scène plus tendue et déroutante, Robert Loggia se révèle alors aussi souple et amical qu’un PDG, en régression. De même, Billy (Jared Rushton) s’accroche à toute cette phase d’enfance, tantôt provocatrice, tantôt inoffensive. Josh restera finalement le cadet de toute une intrigue qui empoigne sa quête de pouvoir.
Rien de fondamentalement innovant dans le fond, mais les co-producteurs et scénaristes, Gary Ross et Anne Spielberg, sœur de Steven, se sont arrangé avec la partition d’Howard Shore, pour rendre cette transgression d’âge plus vivable et crédible. Cette distance avec la dureté du sujet peut toutefois manquer de consistance, mais c’est au terme d’une course effrénée contre l’horloge interne de l’adolescence, que les protagonistes prennent vie, l’instant d’une sonate et l’instant de se défaire de l’apesanteur. « Big » est une délicieuse sucrerie, qu’il convient de partager avec les enfants, pour leur faire comprendre qu’il n’y a plus d’un pas entre l’adolescence et la vie active. Le film s’emploie ainsi à présenter un recul du plus charmant, comme quoi, il serait possible de préserver son âme d’enfant derrière un costume qui bride les interactions. Il s’agit d’un conte doux-amer, mais terriblement émouvant sur ses dernières lignes, de Cendrillon des temps modernes, où la pantoufle n’est plus qu’un fardeau pour ceux qui la porterait trop longtemps.