Ca m’ennuie de ne pas être enthousiaste. José Van Dam est un immense chanteur, et il est ici capté à l’apogée de ses moyens. Ses interventions vocales sont toutes de superbes moments de musique. Malheureusement, son talent d’acteur n’est pas du même niveau. Ne lui reprochons pas trop, car Gérard Cormiau ne lui facilite pas la tâche - et aux autres comédiens non plus. Le film a des aspects très "carte postale". De belles images, mais on ne croit pas aux personnages et à leur histoire. Tout est artificiel, affecté, stéréotypé: la jeune soprano amoureuse de son maître, le jeune ténor doué, mais rebelle, mais qui y arrivera quand même parce que le maître saura polir ce diamant brut... et évidemment le concours final où ils montreront qu’ils sont les meilleurs... et heureusement parce qu’il y a en face un méchant prince qui "protège" (ici, gros clin d'oeil plein de sous-entendus salaces) de méchants chanteurs bien sournois (terrible personnage d’Arcas, au look impossible)... Tout cela sonne creux, d’autant que les dialogues sont souvent d’une platitude affligeante. Plus grave : contrairement à ce que le titre laisse entendre, il n’est jamais question de musique, mais de chant, et encore de chant envisagé sous l’angle technique, ou comme objet de compétition. D’art, d’émotion, il n’est pas question. La plupart des grands airs que nous entendons dans la bouche de Sophie ou Jean ne sont que prétexte à affronter des difficultés vocales, à montrer qu’on peut y arriver, qu’on est le meilleur. Certes, pour un chanteur lyrique, la technique est fondamentale - et la compétition est évidemment féroce dans ce milieu. La virtuosité seule peut même parfois conquérir un public. Mais combien d’artistes ont réussi des prodiges d’interprétation en dépit d’une technique quelconque, voire défaillante, ou alors que l’âge était venu ternir l’éclat de leur voix: Martha Mödl, Friedrich Schorr, Giuseppe di Stefano, Ramon Vinay, plus récemment Anja Silja ou Gwyneth Jones. A l’inverse, on a vu des rossignols mécaniques rompus aux vocalises les plus difficiles incapables de faire passer la moindre émotion. José Van Dam lui-même, bien que possédant évidemment une voix puissante et une excellente technique, n’a jamais été réputé pour ses exploits vocaux, mais pour son chant châtié, la beauté de son timbre et sa capacité à incarner des personnages aussi divers que Don Quichotte, Méphisto ou Saint François d’Assise. Malheureusement, « Le maître de musique » ne le montre jamais en train d’essayer de transmettre cet art. Il faut donc se contenter de l’entendre à l’oeuvre. Ce n’est déjà pas mal, mais on pouvait espérer tellement mieux.