Malgré son succès commercial, L’inspecteur Harry est un film qui a déchaîné les critiques le considérant comme fasciste et raciste (notamment de la part de la célèbre critique Pauline Kael). Clint Eastwood ayant été très affecté par ces jugements, il n’est pas surprenant de constater que la suite, Magnum Force, est une espèce de clarification de la situation : certes Harry Callahan n’hésite pas à employer la force pour combattre le crime mais il reste dans le cadre légal et ne compte pas en sortir.
Pour démontrer cela, il réutilise une idée, rejetée à l’époque par Don Siegel, qui provenait de Terrence Malick pour le premier épisode, à savoir opposer l’inspecteur Harry à des vigilantes, ici incarné par des motards de la Police. Ainsi, contrairement à ce que pourrait laisser penser le générique de début filmant le fameux .44 Magnum du personnage et reprenant sa célèbre tirade du premier épisode à ce propos (on ressent ici l’influence de John Milius, coscénariste et auteur de l’histoire de départ, qui est connu pour son amour des armes).
Le personnage d’Harry Callahan est également adouci et humanisé pour contrer les critiques, étant un peu plus souriant et faisant parfois de légères touches d’humour. Pour faire cesser les accusations de racisme, il est montré comme étant assez complice avec son coéquipier noir
(il tentera même de lui sauver la vie, hélas en vain) et, bien qu’il n’ait pas oublié sa femme décédée (ce que nous prouve une photo dans son appartement), il entame une liaison avec sa voisine asiatique (malgré le fait que l’ex-femme de son amie tente, elle aussi, de le séduire)
. De même, Harry dit dans une réplique qu’il ne serait pas dérangé si tous les policiers étaient homosexuels s’il savaient tous aussi bien tirer que Davis (interprété par David Soul, qui deviendra un plus d’un an après le Hutch de Starsky et Hutch).
On pourrait d’ailleurs trouver que cette volonté de se justifier est parfois un peu trop appuyée (notamment l’histoire avec la voisine asiatique qui n’apporte pas tellement à l'intrigue) allant jusqu’à utiliser des répliques s’adressant clairement aux personnages mais également aux spectateurs : "I’m afraid you’ve misjuged me" ("J’ai peur que vous n’ayez une fausse idée de moi" en V.F.) et "Good man always knows his limitations" ("L’Homme sage est celui qui connait ses limites"), réplique présente à trois reprises sous de légères variantes.
Excepté ce petit aspect qui se comprend tout à fait quand on connait le contexte de réalisation, Magnum Force est à nouveau un excellent film policier avec une intrigue prenante se référençant à des événements récents de l’actualité comme les « escadrons de la mort » en Amérique latine. La réalisation de Ted Post est très efficace et les scènes d’action sont palpitantes.
Ainsi, malgré une petite modification de la personnalité du protagoniste principal, Magnum Force est une suite tout à fait digne de l’original et qui est aussi connue pour avoir été coscénarisée par un grand nom du cinéma, à savoir Michael Cimino, qui se verra offrir sa chance en tant que réalisateur par Eastwood six mois plus tard avec Le Canardeur.