Surtout connu pour être le premier western dans lequel joue Kirk Douglas, Une corde pour te pendre reste dans les mémoires des cinéphiles comme un film mineur, avec des latences dans le scénario et un manque de profondeur psychologique chez ses personnages, mais cette réputation, qui n’est d’ailleurs pas entièrement infondée, est tout de même assez sévère.
Après son dernier western en 1949, La Fille du désert, Raoul Walsh réitère l’expérience deux ans plus tard avec Une corde pour te pendre. Ce film est ainsi censé poursuivre la trilogie de « western psychologique » initiée par le cinéaste avec La Vallée de la peur (1947). Mais cette fois, pour une raison inconnue, le cœur n’y est pas. Des échos du tournage rapportent ainsi que Walsh se désintéressait de ce qu’il filmait, lâchant la direction d’acteur et oubliant même des pages entières du scénario. De plus, ses relations avec Kirk Douglas sont délétères et l’acteur lui-même ne prend aucun plaisir à participer au tournage. Dans son autobiographie intitulée « Le Fils du chiffonnier », Kirk Douglas déclare abhorrer Une corde pour te pendre : « Je détestais le film suivant de la Warner Brothers dans lequel je tournais : Along the Great Divide. Je le fis seulement pour remplir l'obligation qui m'était faite par contrat de tourner un film par an pour eux. […] Walsh adorait la violence. Je fus dégoûté un jour de le voir excité presque jusqu'à l'orgasme en observant une dangereuse cascade au cours de laquelle un cascadeur manqua d'être tué [...] Sur ce tournage, les animaux furent maltraités. Une corde pour te pendre a été mon premier western : je l’ai détesté de bout en bout ! »
Depuis, ce jugement défavorable envers le film a été partagé de nombreuses fois, plusieurs critiques ayant pointé le doigt sur ses faiblesses scénaristiques, tout en soulignant néanmoins la qualité de sa mise en scène. S’il est vrai que cette dernière est réussie, il faut préciser qu’elle est tout de même sérieusement contrariée par quatre zooms hideux que l’on croirait sortis tout droit d’un film de série Z. Quant au plan de Virginia Mayo tirant la langue, on se demande ce qu’il fait là.
Du reste, ce western ne démérite pas. Les séquences dans le désert sont dépaysantes et la fuite en avant de la troupe menée par le marshall Len Merrick (Kirk Douglas) est bien développée, à un rythme captivant. Toutefois, les personnages manquent de profondeur psychologique et le scénario est empreint d’un manichéisme assez consternant. Les rares tentatives pour donner de la consistance à Merrick sont peu convaincantes, comme cette scène de nuit où il se confie à la belle Ann Keith (Virginia Mayo).
Avec ce rôle, Kirk Douglas fait une entrée remarquée dans le western. Ayant commencé sa carrière cinématographique seulement quatre ans plus tôt, il n’est alors pas encore une star confirmée mais compte déjà quelques beaux rôles à son actif, comme dans La Femme aux chimères, l’année précédente, réalisé par Michael Curtiz. Entretenant des relations conflictuelles avec Raoul Walsh, désintéressé du film, Douglas s’en sort plutôt bien malgré le rôle fade et sans nuance qu’il a obtenu. De même, le personnage de Virginia Mayo ne présente aucun intérêt notable, et si sa beauté est toujours agréable à regarder, parfois mise en valeur dans certaines scènes sensuelles, sa performance reste passable. John Agar, déjà connu pour ses apparitions dans les deux premiers volets de la trilogie fordienne consacrée à la cavalerie américaine, n’est pas plus convaincant, tout comme Walter Brennan, qui nous a habitué à des interprétations bien plus réussies.
Une corde pour te pendre est donc un western difficile à classer. Son scénario manichéen peut susciter l’exaspération, les personnages sont inintéressants et les jeux d’acteur laissent à désirer. Néanmoins, la mise en scène est de qualité (la fusillade dans les rochers en témoigne), les décors valent le détour, le rythme ne lasse jamais et le happy end, peut-être trop niais et bâclé, reste cohérent. Dommage que le jugement final soit traité en seulement deux minutes.
Un western qui ne mérite donc pas sa réputation défavorable et qui, bien qu’étant loin d’être incontournable, est agréable à regarder.