C’était l’époque où tout grand acteur américain voyait comme une sorte de consécration l’opportunité de jouer un vieux chef de tribu buriné. Ici, en l'occurrence, c’est Anthony Quinn qui incarne Omar Al-Mokhtar, chef charismatique des tribus bédouines de Libye, qui résista pendant près de vingt ans à l’entreprise coloniale italienne jusqu’à sa capture et son exécution en 1931. Vision du grand producteur américano-syrien Moustapha Akkad, soucieux avant tout de rectitude historique et de réalisme culturel, ‘Le lion du désert’ fait sien un discours anticolonial sans ambages, ce qui n’était pas d’une évidence absolue voici quarante ans, y compris quand le pouvoir colonial en question faisait partie des perdants de la seconde guerre mondiale. Majestueux, plein d’emphase et, tout à sa volonté de souligner la noblesse du résistant et la vilénie des oppresseurs, ‘Le lion du désert’ ne s’intéresse toutefois que peu à l’intériorité et à l’humanité ordinaire de ses protagonistes comme c’est devenu la norme aujourd’hui , et préfère se concentrer sur la place occupée par Al-Mokhtar dans la Grande histoire. En dépit de ces caractéristiques un peu poussiéreuses, ou justement grâce à elles, ‘Le lion du désert’ fonctionne globalement de la même façon que toutes les grandes épopées historiques et désertiques des années 60 et 70 : de spectaculaires et ambitieuses scènes de bataille, quelques témoignages romanesques d’exactions pour bien appuyer la légitimité de la résistance et l’incontournable confrontation verbale, en forme d’échange de vues politiques, entre le combattant de la liberté et le représentant de l’ordre établi (ici, le général Graziani)...mais le film n’aura pas pour autant le même destin prestigieux qu’un ‘Lawrence d’Arabie’. Très régulièrement diffusé à la télévision libyenne (l’homme a toujours été présenté comme le symbole fondateur de la nation libyenne, et continue à être utilisé comme porte-étendard par les rebelles de l’est aujourd’hui), il fut tout simplement banni en Italie durant 30 ans pour outrage à l’honneur de l’armée, et considéré avec une certaine méfiance par de nombreux pays qui voyaient d’un mauvais oeil une superproduction appuyée et majoritairement financée par l’argent du colonel Kadhafi.