André Cayatte réalise « Avant le Déluge » en 1953, juste après « Nous sommes tous des assassins ». Mis à part la présence de Marina Vlady et de Bernard Blier au générique, tous deux excellents, on ne pensait pas grand chose de ce film avant de le visionner. Et pourtant, cest une claque, tant dans son récit que dans sa mise en scène, tous deux amples et ambitieux, riches et complexes. Le film souvre sur une scène de procès : quatre adolescents sont entendus par la Justice pour avoir commis un meurtre, ils attendent, terrifiés, leur condamnation. Les parents sont dans la salle. Par le biais dastucieux flashes-back continus et dhabiles récits croisés entre les quatre familles, Cayatte nous raconte alors ce qui a pu mener ces quatre enfants de bonne famille, étudiants brillants, à ce terrible drame. Juste après la fin de la seconde guerre mondiale, la population redoute léclatement dun nouveau conflit en Corée. La bande de jeunes amis projette alors, pour fuir ce danger, de senfuir sur une île du Pacifique. Mais pour réaliser ce doux rêve dadolescent, il faut de largent
et ceux-ci nont pas de meilleure idée que dorganiser un cambriolage
qui bien entendu tournera vite au drame. Au delà du récit déjà fort prenant, Cayatte livre un constat lucide et désabusé sur la jeunesse française daprès-guerre, sur la perte de linnocence et des illusions. Plus encore, Cayatte ose des choses véritablement incroyables pour lépoque, comme montrer des seins nus de manière ostentatoire, ou encore inscrire dans son récit de manière affichée et volontaire, un couple dhomosexuels parmi les rôles principaux, qui ne sont ni condamnés ni montrés du doigt à cause de leur préférence sexuelle. En plus dêtre un film dense et prenant, « Avant le Déluge » est aussi un film engagé et courageux.