De retour après le vertigineux (dans tous les sens du terme) Moonraker, Bond est ici placé dans une aventure plus terre-à-terre. Il reprend son rôle d'enquêteur débuté dans le premier film de la série. Comme Peter Hunt avant lui, John Glen réalise cet opus après avoir longtemps était monteur de la saga et affiche ses intentions de retrouver l'esprit des films mémorables de la légende bondienne, notamment Au Service Secret de Sa majesté sur lequel il avait travaillé. Il le dit lui même :"Dans Rien que pour vos Yeux, j'ai également voulu dire d'emblée au public que ce film était un peu plus sérieux, qu'il renouait avec le passé de James Bond; c'est donc au cimetière où sa femme est enterrée qu'on voit d'abord Bond". Différent clins d'œil essaiment le film, voir carrément des parallèles avec le film de 1969 comme la première séquence, dont parle John Glen qui fini par un duel contre un personnage en fauteuil roulant , qui, de dos, ressemble à s'y méprendre au Blofeld de la fin du film, celui là même qui tue l'épouse de Bond 12 ans auparavant. Du propre aveu du réalisateur , il s'agit bien de Blofeld. Comme si la production avait voulu répondre au mécontentement de certains fans quant à la suite donnée à Au Service Secret de sa Majesté. Film pivot donc, qui conduira petit à petit avec, parfois des retours plus comiques dans certains films suivants celui ci, vers les films avec Dalton, qui joue un Bond plus dur, plus émotionnel et proche des romans, et finalement à Daniel Craig et son interprétation à la fois également proche des romans et contemporaine. Même Brosnan est plus sérieux en comparaison que Moore, garde un côté plus animal, plus brut.
La Bond girl principale est un personnage fort, qui sent la douleur, qui porte le poids d'une famille décimée. Elle est aussi un personnage pivot pour les Bonds car elle introduit pour la première fois à l'écran, directement les références à la culture antique grecque, évoqué dans l'Espion qui m'Aimait par exemple, qui sera reprise ensuite, notamment dans les films écrits par Purvis et Wade. En effet, Electre est évoquée comme filiation pour justifier l'obligation de vengeance de Melina et Sophie Marceau, une autre française, jouera un personnage féminin dans le Monde ne Suffit Pas en 1999 et son nom sera …Electre ! (Elektra King). Il y d'autres exemples plus ou moins évidents comme le satellite nommé Icare dans Meurs un Autre Jour, ou Janus (même si c'est un dieu romain) dans Goldeneye.
Les amoureux des romans y trouvent leur compte aussi car la scène finale du roman Vivre et Laisser Mourir, laissée de côté au moment de réalisé le film du même nom, est ici adaptée lors d'une belle séquence marine. Plus tard, l'autre séquence du même roman concernant des requins et Felix Leiter cette fois ci, sera adapté dans Permis de Tuer, et achève donc le virage pris ici.
L'action est au rendez vous et là encore les scènes font souvent références à Au Service Secret de Sa Majesté : poursuite à skis ou les skieurs adverses sont remplacés par des motards, poursuite sur une piste de bobsleigh, combat sur une plage. Les endroits sont à la fois lumineux et magnifiques, raffinés et typiques. Le monde greco-latin (Cortina, Corfou …), encore une fois, donne un cadre splendide à toute cette agitation.
Il y a petit point déroutant, c'est le personnage de Bibi, relique de l'époque 70's de Bond. Son rôle est minime car l'envie d'un retour au sérieux par EON est trop fort. Heureusement.
Les ennemis et alliés de Bond incarnés par Topol et Julian Glover sont simplement excellents et donnent du fil à retordre aux capacités à la fois intellectuelles et physique de Bond. La séquence de combat final est simple mais efficace.
Enfin la musique de Bill Conti est connoté année 80 mais soutient l'action et les cènes sous marine ou d'amour admirablement.
Nous avons donc à faire avec un Bond qui retourne à la source en prenant tout ce qu'il peut prendre de la nouvelle de Fleming, mélange avec un peu de Vivre et Laisser Mourir et un brin d'inventivité, le tout tirant vers le thriller. Une réussite.