Nausicaä de la vallée du vent, Le Château dans le ciel, Mon voisin Totoro, Princesse Mononoké… voici bien des œuvres auxquelles s’attache tout le studio Ghibi. Et il en existe encore une multitude qui possèdent leur propre identité, sans que la qualité ne les dissocie. Toutes aussi sublimes les unes que les autres, le père fondateur Hayao Miyazaki revient aux commandes d’une superproduction. En effet, « Le Voyage de Chihiro » n’est pas intégralement japonais, car d’autres cultures posent leur patte.
Installant des similitudes avec « Alice au Pays des Merveilles » ou encore « Le Magicien d’Oz », le film tient cependant de l’adaptation du roman Rin et le peintre de cheminée. On y traite l’évolution d’une jeune fille à la recherche d’une voie spirituelle. C’est donc ce à quoi l’héroïne, Chihiro, sera confronté tout au long du périple. On jongle ainsi entre le réel et l’imaginaire. Le monde des esprits représente alors le berceau d’un espace-temps intentionnellement déstructuré et confus dans la compréhension. Ici, Miyazaki ne vise ni plus ni moins qu’à saisir le cœur du spectateur et à le faire parader dans ce flot de fantaisie. Une fois accepté, le tour est joué. Le visuel a de quoi s’imposer, tout comme de nouveau la partition de Joe Hisaishi. Il connote fréquemment l’état d’esprit des protagonistes mis en avant selon les scènes. La tristesse, la nostalgie, le courage et la confiance font partie des sentiments forts se succédant à tour de rôle.
Mais revenons à part d’aventure que regorge cette escapade. La petite Chihiro arrive dans un monde unique, la dépaysant au maximum. Sa détresse est rapidement acquise dans la fantaisie proposée et souvent bordée d’horreur à bon escient. Le point de vue devient alors important à considérer. Une enfant légèrement troublée possède une témérité sincère que les adultes n’assument pas toujours. On le démontre ici et le réalisateur a parfaitement su mettre en scène cette inquiétude afin de s’adresser à son jeune public.
On soulève des thèmes plus sérieux au milieu de ce déluge. L’alimentation est la première observation, maîtresse dans l’introduction et la résolution du conflit scénaristique. Et au-delà de ça, l’argent est source de malheur comme toujours. Et à travers la fille, on parvient à estimer ce qu’il y a de plus cher dans une vie. On prend ainsi conscience d’une dimension utopique mais surtout rationnelle, face à l’adversité d’un système rigide. Cela entraine l’étude de mœurs bien propre au capitalisme, et même de la mondialisation, que l’on dénonce. La Japon prend un tournant décisif dans son avenir. En explorant sa modernisation face à la tradition, on tranche nettement pour un projet plus glorieux. Savoir avancer et accepter le passé, c’est savoir évoluer et s’améliorer. La passerelle est ainsi confirmée tout au long d’un quête identitaire, mettant souvent le peuple Japonais au premier plan d’un conflit interne et égoïste.
Par ailleurs, le travail et la rigueur forment le couple que Chihiro devra affronter. La brusque adaptation à l’environnement est propre à la vulnérabilité d’un nouvel arrivant. On ne peut nier le constat, venant avant tout valoriser un système organisationnel efficace. La civilisation qu’elle fréquente est alors illustrative de voyage initiatique. Elle affronte la dure « réalité » du monde actif, rempli de responsabilités. Et le fait de montrer les erreurs et les limites du travail permet de mieux appréhender l’atmosphère qui y règne. L’identité qu’elle perd lui offre ainsi l’opportunité de reconstruire son image jusqu’à ce que satisfaction soit acquise de tous.
Moins à cheval sur les thèmes mythologiques, l’approche de Miyazaki marque tout de même le pas. « Le Voyage de Chihiro » est le fruit du génie, sincère et riche en morales. Sans pour autant proposer une régression de l’esprit, on garde la vision renversante et intelligente de cultures qui s’entrechoquent. Un chef d’œuvre universel et incontournable pour toutes les générations !