Sorte de Best-of Miyazaki, Le Voyage De Chihiro est un bestiaire de l'imaginaire du maître de l'anime. Si on retrouve des figures plus ou moins déjà vu sous des formes quasi-similaire dans ses précédents films, l'énergie créative du réalisateur ne s'est pas essoufflée tant la panoplie de créatures, d'esprit surtout est diversifiée. Le trait plus précis que jamais Miyazaki nous embarque dans un monde parallèle, le monde des esprits, car si le monde contemporain est évoqué dans le début, tout début du film, c'est pour mieux l'abandonner et laisser la place à ce monde-ci, épuré, ou presque, de vies humaines. Au travers du voyage sont évoqués tout les travers de la société de consommation moderne, abondance, services publics, individualisme, domination, précarité, comme toujours sous des formes plurielles, métaphores poétiques et ravissantes : humains s'empiffrant devenant aussitôt porcs, irrespectueux, qui leur vaut se bannissement du palais des bains. En effet le monde où se trouve Chihiro est bien vidé de ces êtres humains écœurant et malfamés, pourtant l'entreprise qu'est vraiment ce palais, sorte de station balnéo-thérapeutique, répond aux exigences d'individualité importante aux dépends de travailleurs débordés soumis à une hiérarchie très humaine, avec à sa tête la sorcière Youbaba, rappelant par son nom et son comportement une Baba-Yaga nordique. Donc pas si utopique que ça ce monde, en effet Chihiro, seule humaine ou presque est la seule qui semble avoir une trace de bonté, d'altruisme, le palais est donc un reflet caricatural de la société mondiale, Miyazaki à la lumière d'un La Fontaine, animalise les hommes pour mieux les décrire. Pas vraiment question de message écologique ici, mais plutôt un retour aux sources japonaises, aux croyances nippones, leurs esprit, leurs démons, que Miyazaki voit de plus en plus abandonné par le japon moderne. Flash-Back nostalgique ? Pas question, Miyazaki sait évoluer avec son temps, comme le montre les techniques utilisées dans le film , dans le vrai monde, l' Audi des parents, la signalétique... Hayao n'est donc pas un rétrograde, il essaye dans ses films de mêlées la féerie éternelle japonaise au monde contemporain aussi hostile soit-il, preuve encore de la maturité et de la sagesse du maître. Le Voyage de Chihiro est un voyage pour les sens, coloré, plus affiné que jamais, le dessin arrive à captivé, à surprendre, à émerveillé tout le temps par sa fantaisie et son imaginaire débordant, toujours créatif et vif, avec toujours ce goût paradoxal pour ce qui dégouline des corps, métaphore ultra-classique mais efficace d'un mal qui s'en va, par les orifices symboliques, bouche ou plaie. Miyazaki s'il est un grand enfant, éternel rêveur, poétique, n'en perd pas pour autant sa perception simple des choses, du monde et des êtres, qu'il voit pour chacun, aussi laid, putride soit-il, une fin en soi, à la manière Kantienne, tolérant et moraliste, humain finalement. Chihiro constitue donc un incroyable concentré de Miyazaki, récit simple mais aboutit, c'est surtout au niveau création que Miyazaki en fait son œuvre la plus complète, la plus foisonnante, riche dans sa forme et intelligente, dans sa forme comme toujours, Chihiro est pour la philosophie ce qu'était Mononoké pour la nature, une ode parfaite, charmante, impeccable de pureté graphique et de créativité magique.