Dés les premières minutes, on est happé par notre héroïne Chihiro. Hayao Miyazaki signe une oeuvre profondément touchante, flirtant entre la poésie et le mystère du début à la fin, nous faisant voyager littéralement dans un univers complexe et déroutant, propice à l'ambigüité mais qui a tout son sens. Sans ne jamais faiblir, le réalisateur propose une lecture émouvante avec l'utilisation remarquable, pourtant simpliste, de quelques plans furtifs et images énigmatiques, qui appuient le curieux propos en le rendant limpide à chaque transition habilement orchestrée. On s'identifie sans peine au personnage principal, Chihiro. Son âme d'enfant capricieuse mais téméraire, qui de son regard parcourt le monde avec émerveillements et angoisses multiples, nous transporte et fait mieux que nous rappeler notre jeunesse : elle nous y ramène. Sorte de parcourt initiatique peuplé de monstres bizarres et d'êtres hors du commun, ce roman filmographique d'animation explore toutes les émotions, narrée avec une efficacité déconcertante. Ce village fantôme où tout prend vie d'une façon inattendue n'est pas sans rappeler la richesse d'une certaine Alice, évoluant au pays des merveilles. Réel plaisir pour nos yeux ébahis, on en ressort transcendés, comblés par les couleurs, l'esthétisme général, la beauté artistique, desservant une morale universelle : l'amitié et, plus généralement, l'amour réussissent à vaincre les plus grands maux. Et une séquence matérialise à elle seule l'essence de cette fresque grandiose : le train. Ce passage qui marque l'acheminement de notre protégée, entourée d'alliés peu commodes, cherchant à protéger les siens en se livrant courageusement à un destin incertain, entre les silences éloquents magnifiés par le jour se levant et qui procurent un enthousiasme perpétuel. Alors que le Japon s'avère ici une nation unie, muette et se protège des étrangers derrière des masques, ce film construit linéairement avec les traditions connues du pays, bascule à chaque instant vers l'hommage dans une unique atmosphère. On ne peut que saluer le génie de Miyazaki et demeurer reconnaissants face à ce cadeau inespéré. Musicalement, les sons s'harmonisent à l'écran et figent tous les moments dans nos esprits et nos cœurs conquis. Finalement, l'immense Hayao ne fait pas du cinéma. Il le réinvente.