(...) On peut le voir comme un biopic plutôt classique, en tout cas pour l'époque. Il ne se concentre pas sur la vie de Tucker, mais plutôt comme une illustration du moment charnier de sa vie professionnelle. Le film rappelle brièvement au début ce qu'il a fait avant, on parle un peu de son enfance, mais en gros, contrairement à ce qu'il se fait aujourd'hui, pas de narration éclatée ou bien de passages lourdingues sur son enfance. Déjà parce que Tucker est encore un enfant finalement, même adulte, mais aussi parce que ce genre de passages, qui se veut psychanalytique, est un procédé lourd qui retarde la narration. En quelques lignes, on décrit l'envie de Tucker, et la source de cette dernière. Passionné de vitesse depuis tout petit, une anecdote rapide et hop, place à son incarnation par un Jeff Bridges impressionnant, dynamique, attachant et emballant. Car le film dure moins de deux heures, et il ne perd pas de temps. On comprend très vite qui il est, comment il vit, ce qui l'anime, on brosse le portrait succinct des gens qui l'entourent : le mécano râleur (le fidèle Frederick Forrest, de retour après "Coup de coeur" pour sa dernière collaboration avec le cinéaste), l'ingénieur de génie (Mako, excellent), une femme aimante et compréhensive (Joan Allen, dans un rôle un peu effacé mais qui aura droit à quelques scènes pour se mettre en valeur), un fils qui l'adule (Christian Slater, très bon mais sous-utilisé) et un type un peu excentrique qui va l'aider (Martin Landau, exceptionnel). Ensuite, il y a le découpage de Coppola : vif, rythmé, inventif, il ose quelques raccords géniaux, expérimente quelques mouvements, on croirait presque par moments que c'est réalisé par Scorsese (on retrouvera cette énergie du montage dans "Les affranchis" l'année suivante). Sur l'écran, le cadre vit, les acteurs gesticulent, les arrières plans ne sont pas figés, bref, on est vraiment pris par le rythme du film, qui ne lâche pas son spectateur. Après des films plus lents, parfois trop posés, Coppola retrouve de l'inspiration et de l'énergie, mettant tout ce qu'il a dans le portrait de ce frondeur bravache, qui n'aime rien tant que montrer avec panache qu'il ne se laissera pas faire par un système tout entier dirigé par des puissants. Et dans un ultime discours enflammé, il compte bien rallumer la flamme dans le cœur, et l'esprit, des Américains. J'ai vraiment pris beaucoup de plaisir devant ce film, mené tambour battant, illustration de la passion de la vitesse qui animait son héros, mais aussi de sa frénésie créatrice. J'ai également beaucoup aimé son côté plus politique, sa façon de présenter les projets du personnage, la description de sa frustration, la façon dont il est parfois manipulé, son extraordinaire panache (vous voulez me filmer en train d'être arrêté ? Alors ce sera où je veux, après une course-poursuite avec les flics à 120 à l'heure dans la ville, au volant de ma voiture). Tucker est un héros passionnant, qu'on suivrait au bout du monde parce qu'il n'abandonne jamais, y compris quand il est (presque) seul contre tous. Y compris quand il doit renoncer à une partie de son rêve pour parvenir à ses fins. Le film est également intéressant car on sent parfois que Coppola essaie de comprendre les raisons de l'impossibilité pour Tucker de réussir. Comme s'il faisait également le bilan de sa propre vie. Coppola semble alors conscient des limites et des erreurs de jugement de Tucker, comme les siennes. (...) La lumière du fidèle Storaro est magnifique, la reconstitution est soignée, la caméra virevolte, les dialogues sont soignés, les personnages sont attachants,et si je regrette que Coppola n'ai pas accordé un peu plus d'attention aux détails de la conception de la voiture ou bien aux relations entre Tucker et son fils (d'autant plus le réalisateur dédie ce film à son fils décédé), ça reste sans aucun doute un des derniers grands films de son auteur.. la critique complète sur thisismymovies.over-blog.com