Mon premier Clouzot, je partais sans attente particulière, me disant que j’allais voir un classique, et en général je suis toujours un peu plus sévère avec les films qui font l’unanimité, car je suis toujours méfiant. Et bien franchement, pour un film de 1954, Les Diaboliques est d’une grande modernité, et indéniablement c’est un grand film.
Le casting déjà est assez énorme. Les acteurs sont au top, et endossent des personnages au top. Rien à redire là-dessus. Outre un Paul Meurisse vraiment impeccable et délicieux (sa prestation est anthologique), il y a une Simone Signoret en femme dure qui nous livre une interprétation aux petits oignons, et que dire de la charmante Véra Clouzot, qui à mon avis surnage encore. Un poil plus théâtral que ses comparses, pourtant son charme et sa fraicheur sont irrésistibles, son personnage est par ailleurs le plus travaillé de tous, et elle fait vraiment plaisir à voir. Triste de savoir la corrélation entre son destin et celui de son personnage ici. Sinon des seconds rôles mémorables, notamment Vanel qui s’amuse comme un petit fou, et Lefebvre dans une apparition sympathique.
Le scénario est rondement mené. Au début Les Diaboliques ne laisse pas présager grand-chose. Un truc un peu basique, un trio de personnages, bref, une histoire simple. Mais passé le premier quart d’heure ça devient jouissif. Le travail sur la psychologie des personnages, le rythme de l’histoire, la solidité des dialogues, la tension lors de certaines scènes, la neutralité aussi du travail de Clouzot qui ne cherche jamais vraiment à nous faire sentir le mauvais des personnages et nous laisse seul avec eux, bref, tout cela fait que le film devient vite très accrocheur. Alors le suspens s’évente un peu parfois, l’habitude peut-être d’avoir vu ce genre d’intrigue reprise depuis laissant anticiper la fin, mais malgré tout dur de dire que Les Diaboliques n’est pas passionnant. Et puis il faut reconnaitre qu’il est très moderne, par l’expression des sentiments, la pointe d’humour noir, qui donne une curieuse impression d’actualité au film.
Sinon la mise en scène est remarquable. Le final par exemple est un grand moment de réalisation, une scène impressionnante et pourtant en toute simplicité. Tout est dans la réalisation d’une efficacité redoutable. Pour ma part je ne connaissais pas le cinéma de Clouzot mais j’ai découvert ici un réalisateur méticuleux. Méticuleux d’ailleurs dans la plupart des aspects visuels, puisque la photographie a fier allure, et les décors sont parfaitement exploités. Alors il y a une spécificité au film, lequel exploite peu la musique. C’est un choix que je respecte et finalement on ne ressent absolument pas ce manque dans le film, preuve de ses qualités autres pour installer l’angoisse et la tension, mais c’est un peu dommage si l’on conçoit que le peu de musique utilisée au début est d’un grand effet. Très moderne là aussi d’ailleurs par la vraie ambition de donner une teinte effrayante et pas simplement d’introduire le film avec les cuivres habituels comme dans bien des métrages de cette époque.
En somme Clouzot signe en effet un des grands films des années 50, et je ne peux que suivre l’avis le plus communément émit sur ce film qui en fait une des grandes réussites de cette époque. C’est brillant, c’est passionnant, c’est bon, tout simplement. Je lui accorde volontiers 5, car on sent réellement le film intelligent, fait avec soin, minutie, un grand moment de cinéma.