Beaucoup ont oublié qu’avant le grand classique "L’assassin habite au 21", il y avait "Le Dernier des six". Pourtant, de nombreuses similitudes sont à relever entre ces deux opus, des deux vedettes Pierre Fresnay (en commissaire atypique) et Suzy Delair (en chanteuse capricieuse) aux confrontations drolatiques à l’enquête mystérieuse adaptée d’un roman de Steeman proposant une ambiance à la Agatha Christie et une multitude de suspect en passant par l’exploitation délicieusement macabre du noir et blanc et la présence d’Henri-Georges Clouzot au scénario. Mais, si "Le Dernier des six" n’est pas resté dans les mémoires, c’est, sans doute, parce que Clouzot n’est, ici, que scénariste alors qu’il était, également, le réalisateur de "L’assassin habite au 21". Et cette différence est loin d’être un détail car la mise en scène (signé Georges Lacombe) n’est pas l’atout majeur de ce film et reste cantonnée dans un classicisme un peu trop sage alors que Clouzot osait davantage. Il ressort, ainsi, du film, une impression de "film à papa" pas forcément désagréable mais bien trop académique pour espérer tirer son épingle du jeu. On retrouve, donc, un montage parfois discutable, ces immanquables gros plans sur les visages crispés des acteurs censés faire comprendre aux spectateurs qu’ils vivent un moment d’angoisse ou encore ce rythme un peu trop lancinant qui n’est pas relevé par les grosses ficelles réservées par l’intrigue (voir le duel à l’aveugle dans la maison). Quant à l’intrigue elle-même, elle aurait sans doute gagné à être un peu plus alambiquée puisqu’il faut être assez peu perspicace pour ne pas découvrir l’identité de l’assassin. Heureusement, on retrouve le (dé)goût du scénariste Clouzot pour l’humanité si facilement corruptible face à l’argent et si faible face aux tentations de la chair… et qui confèrent une certaines empathie en vers les futures victimes (Jean Chevrier, André Luguet, Jean Tissier, Lucien Nat…) et qui apporte une indéniable consistance au film. Enfin, même s’ils ne sont pas au niveau de ceux d’Henri Jeanson ou de Michel Audiard, les dialogues réservent quelques bons moments…quand ils ne se fourvoient pas dans l’artificiel ou dans l’agaçant (la répétition déraisonnable de la petite phrase favorite du Commissaire Wens qui amuse mais qui devient vite lassant). Au final, "Le Dernier des six" est un film d’honnête facture, qui se regarde avec un plaisir nostalgique grâce à la noirceur de son propos, la richesse de ses personnages et ses dialogues. Bref, grâce au travail de Clouzot, quoi…