La mi-sixties est une période faste pour le maître mime le plus dingue de nos cinémas, porte-drapeau tardif, souvent imité, jamais ne serait-ce rien qu’approché. Une période faste, mais surtout inégale. Sorti la même année que la – si culte – Grande vadrouille, Le grand restaurant doit compter sur un cinéaste moins rodé que Gérard Oury. Et pour cause : c’est les débuts pour le timide Jacques Besnard, qui ne fera plus souvent parler de lui, sinon par quelques franchouillardises pas toujours recommandables. Mais c’est vrai, Louis De Funès et son perso type, cynique, arrogant, lâche et frôlant sans cesse la crise de nerf, siéent parfaitement à ce chefaillon restaurateur, mielleux avec sa clientèle, invivable pour l’ensemble de son staff (de bras cassés) à moins de faire 1m50 en largeur, à genoux face aux forts, à cran face aux faibles, odieux, hypernerveux, et bizarrement adulé du gratin de la capitale. Tout ça fait l’objet d’une première moitié qui évoque un sketch plutôt qu’un vrai long-métrage, et qui a dû nourrir l’imaginaire de toute une palanquée de futurs gourmets. Et puis il y a rupture, et le scénario s’en va sur des terres d’aventure policière déjà vues. Elles offrent certes une seconde chance aux faire-valoir, quand pour une fois le roi enfin s’efface, et que seul reste Blier, très propre et très seul, pour le soutenir. Mais le film perd alors de sa cohérence, et surtout rentre dans le rang irrémédiablement. Alors on se dit qu’à la prochaine rediff’, il faudra bien choisir quelles scènes on est prêt à revoir.