"La table aux crevés" (1951) Histoire le 02.03.2017
Pour son premier long métrage, c'était plutôt une réussite du réalisateur-scénariste Henri Verneuil avec près de 3,2 millions d'entrées en salles, à une époque (1951) où il est vrai que la télévision ne taillait pas encore de croupières au grand écran. Où on avait aussi envie de sortir, s'amuser après les horreurs de la guerre. La légende veut que c'est Fernandel, déjà célèbre, qui avait exigé l'immigré arménien pour faire ce film, parce "qu'entre marseillais, il faut savoir s'entraider". Fait rare : on découvre un Fernandel sans mimiques de comique, ni rôle d'idiot du village, sans grimaces, bref traité comme tout comédien, naturel. Henri Verneuil ne se montrera pas ingrat en offrant plus tard la vedette à Fernandel (et Marguerite), de son grand succès "La vache et le prisonnier" qui caracolera en tête du Box Office : dans ce film-ci, pas de rôle d'amuseur non plus mais une composition d'une grande sensibilité.
Dans "La table aux crevés", tout le casting est d'ailleurs succulent, mais malheureusement les acteurs sont tous disparus au fil du temps et combien s'en souviennent ?. Tels Fernand Sardou, le père de Michel, mais bien d'autres comédiens de talent ! Pour donner la réplique à Fernandel, Maria Mauban, ravissante et vraiment dans le ton de son rôle, avait été judicieusement choisie. Après une très longue carrière, elle était probablement en 2014 la seule survivante de ce film avant de s'éteindre. Elle était la mère de Jean-Claude Dauphin. Quant au texte de ce roman éponyme revisité par Verneuil, il était l'oeuvre de Marcel Aymé, jugez du peu ! Mais au lieu de situer l'action dans le Jura comme dans le livre,, le tournage s'est déroulé lui aux environs de Marseille, notamment dans le petit port de Callelongue. Malgré l'accent, ça ne fleure pourtant pas le pastis comme dans un Pagnol, malgré une pub pour Ricard dans le bistrot du village.
L'histoire commence comme un polar : la femme d'un paysan est retrouvée pendue : meurtre comme le soutient la belle famille ou suicide comme l'affirme le veuf ? L'intrigue va pourtant laisser la place à une étude de moeurs entre (déjà !) la rivalité des laïcs et religieux (calotins comme on les appelle ) Surprise :le curé, superbement joué, est un "Don Camillo avant l'heure" qui tient une place importante dans la communauté villageoise.
Même analyse pour la dénonciation anonyme d'un pêcheur ayant purgé trois mois de prison pour contrebande de tabac, après dénonciation, mais par qui ? Vraisemblablement un paysan car les tenants des deux métiers ne s'appréciaient guère. Bref, cette histoire est pleine de rebondissements, d'humour, d'action, d'amour et de suspense. :Elle sait rester légère, vivante et passionnante à suivre et prônant in fine, le retour à la terre. Un film à redécouvrir qu'il faut savoir déguster comme un vin qui a bien vieilli ! Et conservé son authenticité en même temps que la fraîcheur d'une première oeuvre : on entend le bruit du moteur de la caméra dans la bande son !
Plus tard, Henri Verneuil allait faire la carrière fulgurante qu'on lui connaît, mon film préféré restant "Le corps de mon ennemi" avec Belmondo et la regrettée Marie-France Pisier ! Une autre étude de moeurs celle-là !
willycopresto