Hum... Par où commencer ?
Un petit récapitulatif s'impose. Conan apparaît pour la première fois en 1932 dans la revue "Weird Tales" sous la plume de Robert E. Howard, un jeune romancier entre autres choses pionnier de la fantasy (20 ans avant Tolkien, quand même) et grand ami de Lovecraft (oui oui, le père de Cthulhu, excusez du peu !). Conan, donc, est un aventurier solitaire à la morale franchement contestable qui sauve des royaumes et combat des abominations seulement si ça l'arrange. Bref, pas un personnage manichéen.
Héros de vingt nouvelles et d'un roman, il vit ses aventures durant l'âge hyborien, une époque préhistorique totalement fictive censée avoir eu lieu entre la chute de l'Atlantide et l'émergence des grandes civilisations antiques. Une époque pleine de magie (noire) où Europe, Asie et Afrique ne forment qu'un seul continent. Une époque dont chaque peuple préfigure une nation historique. Conan est un Cimmérien, barbares des collines dont descendraient les Celtes. Ses aventures sont très violentes et axées sur l'action, mais ça ne nous empêche pas d'avoir affaire à un univers aussi complexe qu'original (pas d'orques, pas d'elfes) et où sont abordés des thèmes aussi sérieux que la lutte entre "civilisés" et "barbares".
Howard meurt en 1936,suicidé à seulement 30 ans, et ses écrits tombent dans l'oubli... Jusqu'à ce beau jour des années 60, où, explosion de la fantasy oblige, Lyon Sprague de Camp et Lin Carter, deux auteurs américains, ressortent des cartons les nouvelles parues dans "Weird Tales" et les rééditent... Mais, au nom d'une soi-disant "collaboration posthume", les deux compères modifient les textes à leur guise, rajoutent des nouvelles de leur cru, réécrivent des histoires d'Howard à l'origine sans rapport avec Conan pour les introduire dans les recueils, établissent de façon totalement arbitraire une chronologie... En quelques années, la série ainsi dénaturée devient une parodie d'elle-même, le héros embrochant à tour de bras des peuplades "inférieures" et révisant sans vergogne le Kamasutra avec des personnages féminins aussi creux que dénudés. Et on a beau avoir ressorti l'intégrale de Conan dans sa vraie version, les gens ont encore cette vision faussée que le "film" de Milius n'a que contribué à répandre.
Ce film est ce qu'on appelle communément un navet. Déjà, la reconstitution du monde d'Howard est faite avec les pieds : depuis quand Conan est-il l'ennemi juré de Thulsa Doom (censé être mort 8000 ans avant la naissance du Cimmérien) ? Le message porté a des relents assez nauséabonds (pas étonnant de la part d'un réalisateur se considérant comme un "fasciste zen"). Le jeu des acteurs est grotesque, Schwarzenegger ayant là l'expression la moins expressive de l'histoire du cinéma. Et je ne parle même pas des décors et des effets spéciaux, la date n'étant pas une excuse vu que le sublime "Dark Crystal" sortait la même année. En somme, du grand n'importe quoi dont souffrent encore aujourd'hui les nouvelles d'Howard.