Pour la génération ayant grandi dans les années 2000, l’heroic fantasy renvoie directement au Seigneur des anneaux. Ce genre n’est pourtant pas apparu au cinéma avec la saga illustrée par Peter Jackson. En effet, dans les années 80, il connut une certaine vogue lancée grâce à un film qui fit au passage d’Arnold Schwarzenegger une star : Conan le barbare !
Souvent caricaturé par des gens l’ayant rarement vu, le film de John Milius est un exemple de film d’aventures et une œuvre purement cinématographique. En effet, le cinéaste choisit de réduire au minimum les dialogues pour offrir avant tout une narration purement visuelle. Il suffit de regarder les 20 premières minutes pour comprendre la force opératique du film. S’ouvrant sur la célèbre citation de Nietzsche "Ce qui ne te tue pas te rend plus fort" et une voix-off donnant une sensation d’histoire légendaire puis sur un excellent générique montrant la fabrication d’une épée, elles ne contiennent que très peu de dialogues (la voix-off suscitée et le monologue du père de Conan) et offre une narration totalement visuelle où la musique joue un rôle prépondérant.
En effet, Basil Poledouris signe tout simplement une des plus grandes bandes originales de l’Histoire du cinéma illustrant parfaitement l’aspect épique de son récit : comment oublier des thèmes comme celui du générique ou du splendide Riders of Doom ?
Totalement habité par son film (il enchaîne les plans mémorables et magnifiques), Milius (réécrivant un scénario écrit à la base écrit par Oliver Stone) réussit à imprégner le film d’éléments culturels
(la citation de Nietzsche évoquée plus haut, le parcours christique évident de Conan qui est torturé puis crucifié avant de revenir à la vie, James Earl Jones rejouant son fameux "Je suis ton père" sur la fin du film, la mort de Thulsa Doom rappelant certains attentats politiques célèbres, les illustrations de Frank Frazetta…)
tout en leur conférant un aspect mythique. Le film marquera ainsi son époque
et on peut voir dans les pièges tendus par Conan des précurseurs de ceux créés quelques mois plus tard par un certain Rambo (personnage qui, dans le second volet, mettra le collier de son amour perdu comme le fait Conan ici)
.
En outre, le film bénéficie d’un excellent choix de comédiens. La sublime héroïne Sandahl Bergman et le très calme et donc glacial méchant interprété par James Earl Jones sont épaulés par les massifs Sven Ole-Thorsen et Ben Davidson, par l’agile Gerry López, l’amusant Mako ou la légende Max Von Sydow mais celui qui éclate carrément à l’écran est LA légende du culturisme autrichien au nom encore alors jugé imprononçable qui cherche depuis une dizaine d’années à débuter une carrière d’acteur : Arnold Schwarzenegger ! Le futur Terminator trouve ici un rôle totalement adapté à son physique hors-norme et tirant profit de son accent et de ses capacités encore limitées d’acteur (dont il a parfaitement conscience). Le "Chêne autrichien" fait preuve de son charisme à tout épreuve (même si ses aspects humoristiques ne sont pas encore développés) et incarne à la perfection ce guerrier à la culture limitée (il a été réduit en esclavage pendant vingt ans) mais à la force et au courage impressionnants.
Enfin, Milius a eu l’intelligence de limiter les aspects fantastiques beaucoup plus présents dans le scénario (futuriste qui plus est) d’Oliver Stone. Si cela permet d’atténuer (la révolution numérique des années 90 n’ayant pas encore eu lieu) le vieillissement d’effets spéciaux malgré tout encore efficaces, on se retrouve dans un univers certes un peu féérique (qui colle cependant totalement aux croyances des personnages) mais qui réussit à être un minimum crédible (le réalisateur, grand amateur d’armes au demeurant, ayant tenu, pour tous les aspects de son univers, à se rattacher à des choses ayant plus ou moins réellement existées même si nous sommes dans une époque totalement inventée).
Ainsi, en adaptant pour le grand écran le personnage créé par Robert E. Howard, John Milius livre une œuvre sublime qui reste un modèle pour le genre de l’heroic fantasy fantasy (même si les spécialistes pourront évoquer plutôt la dark fantasy pour ce cas précis) et qui a lancé réellement une des plus grandes stars de la fin du vingtième siècle (et qui deviendra au passage une figure importante de la politique américaine du début du vingt-et-unième) : Arnold Schwarzenegger !