Dans la vie, ne te fie ni aux hommes, ni aux femmes, ni aux bêtes. À ceci seul il faut te fier. À l’acier il te faut te fier ! Telles sont les paroles que s’entend dire Conan par son père en ouverture du film de John Milius, sorti en 1981 et adapté du personnage crée par Robert E. Howard.
Longtemps, et encore aujourd’hui par certains irréductibles du ‘cinéma d’auteur’ (terme qui ne renvoie plus à rien) et par quelques pourfendeurs du cinéma américain, ce film fut relégué à un brutal film de série B, notamment parce qu’il avait comme interprète le futur gouverneur de la Californie. On l’a traité de stupide film d’heroic fantasy et d’être gratuitement violent. Le long-métrage, dont rappelons-le, le scénario fut écrit par Oliver Stone, a connu les mêmes déboires que la série originale inventée par l’auteur américain originaire du Texas ; les deux œuvres n’ont eu qu’un public restreint mais qui a toujours su lui resté fidèle.
Mais tout comme Howard qui est aujourd’hui culte parmi les spécialistes au même titre qu’un Lovecraft, voire qu’un Edgar A. Poe, de même, Conan le Barbare fait aujourd’hui partie de ces films cultes de toute une génération et y est sans doute pour quelque chose si aujourd’hui des jeux en ligne tel que World of Warcraft existent.
Le succès du film est d’abord dû à sa musique original, crée par l’immense compositeur Basil Poledouris, à qui ont doit notamment la bande originale de Predator ou d’A la poursuite d’Octobre Rouge. Cette musique qui n’est pas sans rappeler à certains endroits le Carmina Burana de Carl Orff, possède certaines correspondances tant avec les thèmes qu’avec les leitmotivs wagnériens. Tous ceux qui ont vu le film ont toujours en mémoire, dans leurs têtes comme dans leurs chairs, le célèbre thème musical de Riddle of Steel qui provoque immanquablement chez le spectateur une montée d’adrénaline proche de l’orgasme.
Le film, c’est d’abord le parcours d’un homme, parcours qui se déroule en des âges reculés de l’histoire et qui demeurent encore assez méconnus des historiens, que Howard qualifie de hyborien, se situant entre 14,000 et 10,000 avant notre ère, environ au paléolithique supérieur. Et c’est aussi la quête d’un homme, une quête métaphysique puisqu’elle est celle de l’acier, métal noble par excellence qui a forgé la caste des guerriers.
Bien entendu, on reprochera au film des anachronismes, mais ce serait là un mauvais procès qu’on lui ferait, puisque l’auteur de fiction est libre de prendre des libertés avec l’histoire, et Victor Hugo ne disait-il pas : je viole l’histoire pour lui faire de beaux enfants ?
Conan, c’est du sexe et du sang. Les deux ingrédients nécessaires de toute grande œuvre. Mais Conan, c’est aussi une plongée en des contrées mythiques, puisqu’on l’appelle ‘Conan le Cimmérien’, dans des âges obscures (dans le prologue, on raconte que l’Atlantide a déjà été engloutie) où les grandes religions n’ont pas encore vu le jour, et où donc la frontière entre le bien et le mal, le profane et le sacré, n’est pas encore bien définie, d’où le fait que l’on ressorte avec un malaise puisque le film a ainsi ce mérite, en nous projetant dans un autre univers, intempestif, de bousculer nos acquis moraux.
Conan, enfin, c’est un homme déchiré entre l’amour d’une femme, et l’amour de son destin… mais comme dirait l’autre : ceci est une autre histoire.