Avis sur Le Chateau de verre

D'après le roman de gare de Vicky Baum "Sait-on jamais...", Renè Clèment signe avec "Le château de verre" une tragèdie moderne avec des personnages prisonniers d'èvènements qu'ils croient provoquer librement! Michèle Morgan et Jean Marais en garçon volage et charmeur forment un beau couple à l'ècran! Le final, utilisant une projection dans le futur, est particulièrement audacieux et dèrouta fort les spectateurs de l'èpoque où l'on comprend que cette avion via Berne n'atterrira jamais! A première vue, ce film semble être un mèlodrame conventionnel, c'est en fait un somptueux mèlodrame parfaitement interprètè et maîtrisè avec cette atmosphère si romantique mais lourde de mystère...

René Clément mise tout sur l'association Jean Marais-Michèle Morgan, à ses risques et périls. Le scénario sonne aussi creux que le crâne d'une adolescente fan de Lorie. L'histoire n'a rien d'intéressant. Le pire reste pour moi la scène d'ouverture, durant laquelle on assiste à un dialogue incompréhensible digne d'un mauvais épisode de "La quatrième dimension". Il faut quand même attendre la dernière demi-heure pour voir l'histoire d'amour se lancer, et ça valait le coup d'attendre puisque les scènes de mamours entre nos deux tourtereaux sont effectivement touchanes. Mais voilà, c'est un peu court tout de même. Surtout que les beaux yeux et les lèvres attirantes de Michèle Morgan, c'est cool, mais le jeu ultra théâtralisé de Jean Marais ça l'est beaucoup moins. Lorsqu'il beurre les tartines de sa chérie on a l'impression qu'il décape du parquet. Dans le même genre, je préfère nettement "Les amants" de Louis Malle sorti huit ans plus tard.

Il est vraiment incompréhensible de savoir pourquoi la Nouvelle Vague, et en particulier un certain François Truffaut, a fait de René Clément une de leurs têtes de turc favorites. Je ne nie pas que quelques fois le cinéaste ait nagé dans les eaux de la «Qualité française» mais quand on voit certains de ses films on s'aperçoit qu'il était tout sauf académique. «Plein soleil» s'apparente plus au film d'un réalisateur style «Nouvelle Vague» ayant une très très grande maîtrise technique qu'à un Jean Delannoy et le tournage en caméra cachée de «Monsieur Ripois» préfigure une méthode employée plus tard par ce mouvement. «Le Château de verre» le préfigure aussi mais par son utilisation habile et très surprenante de l'ellipse. Le réalisateur n'hésite pas d'ailleurs à en introduire une de manière non chronologique. C'est cela qui fait grandement le sel de film autrement conventionnel mais pas dénué de qualité. Et si les acteurs Jean Marais et Michèle Morgan sont loin d'être ma tasse de thé (en particulier pour le premier!), il faut reconnaître qu'ils savent se montrer convaincant. La première partie du film est un peu pénible à regarder mais la deuxième est loin d'être déplaisante. On n'est pas proche d'un classique du cinéma français et René Clément a fait beaucoup mieux mais l'ensemble se montre plus que convenable.

Incontestablement, René Clément a su donner de la rigueur à ce drame sentimental classique, à cet adultère d'un jour entre une bourgeoise lassée et un séducteur cynique. Il est vrai également que le récit manque de relief, soit qu'il manque de péripéties, soit que Clément ne va pas assez loin dans le romantisme, c'est-à-dire jusqu'à lune forme de poésie. Seul le dénouement, spoiler: avec la séparation des deux amants au terme d'une journée d'hésitations et d'incertitude,
produit un joli et triste instant d'émotion.
Pourtant, sur le mode d'une vibrante sincérité qui caractérise sa belle interprétation -et qui constitue le principal intérêt du film- Michèle Morgan compose un personnage souvent touchant, tour à tour romanesque et réaliste, l'épouse conventionnelle irrésolue; l'aventure ou la respectabilité. Michèle Morgan restitue avec beaucoup de vérité le compromis d'Evelyne avec la peur, la culpabilité et le désir.
Dépassant par instants le conformisme timoré de son époque, René Clément fait preuve d'une réelle modernité psychologique. Mais, comme dit plus haut, le metteur en scène ne réussit pas à transcender totalement les aspects communs de l'intrigue et de la littérature qu'il adapte.