Truffaut lui-même l’explique à un candide au cours du film : La nuit américaine, c’est le tournage pendant le jour de quelques plans nocturnes. Le titre fixe le décor ; longtemps après Les quatre cents coups, le cinéaste se raconte encore, mais cette fois bien différent. Ce qu’il relate, avec sa finesse et sa grâce habituelles, c’est tous les petits bonheurs, les petites misères, les soupirs, les espoirs qui agitent un plateau de cinéma. Le choix des acteurs, des costumes, des accessoires, les rushes à relire, les prises à refaire, les scripts à changer à la dernière minute. Les figurants qu’il faut guider, les journalistes qu’il faut gérer, les amourettes entre les scènes. Une diva déchue qui a perdu la tête, une starlette inconstante, un chaton qui débute, des assureurs craintifs, un producteur inquiet, et au milieu le chef d’orchestre, tout en prévenance, en renoncement, en volonté, toujours prêt pour répondre, choisir, acter, céder, trouver une autre voie, et puis une autre, et puis encore. Comme dans tout microcosme, il y a les attachants, les pâles et les insupportables, il y a les idiots, les astucieux, ceux qui prennent tout à cœur, ceux qui savent garder leur recul. Certains agacent, d’autres éblouissent, mais toujours la mise en abyme plurielle reprend la main, suite de scénettes portée par les envols charmeurs de Georges Delerue où l’image et la réalité s’inspirent l’un l’autre à chaque instant. De la prise des quartiers à l’hôtel jusqu’à la séparation du final, c’est à tout un processus créatif que nous convie le metteur en scène, quelque fois commentant, en général laissant le cinéma s’exprimer. Il a raison.