Malgré une qualité auditive médiocre (et pas de sous titrage encore disponible) ce film de Cayatte reste intéressant pour les cinéphiles. Sa première qualité est de nous permettre de voir Maria Casarès dans un vrai rôle de cinéma, sa forte personnalité est évidente et sa théâtralité aussi. Son deuxième intérêt réside dans le soin apporté à la reconstitution de l’époque avec la tentative de lancement d’une des premières voitures à vapeur qui pouvait éventuellement redevenir un fiacre. Le scénario n’est pas son point fort tant sa dramaturgie est fondée sur des invraisemblances. Reste la présence des grands acteurs du moment et la belle tenue des dialogues. La très jeune fille qui interprète la petite Suzanne est exceptionnelle mais il semble que sa carrière cinématographique se soit arrêtée en chemin.
Le film n'est pas avare d'éléments et de rebondissements mélodramatiques, comme issus des romans populaires en feuiletons d'une certaine époque. De fait, le destin de Roger Laroque, industriel et bourgeois établi, au rythme où les ennuis s'abattent sur lui, apparait singulièrement sombre (avant que, peut-être, la suite de ce film, toujours de Cayatte, ne rétablisse Laroque dans ses droits) L'entreprise de Laroque est au bord de la ruine lorqu'on accuse celui-ci, à tort, du meurtre d'un de ses créanciers.spoiler: Il est jugé et condamné. Entre temps, sa maîtresse le quitte, son épouse meurt de chagrin, son avocat (l'époux de sa maîtresse) succombe en pleine plaidoirie, et sa petite fille chérie lui est retirée, forcément. Ce n'est pas tant Roger la Honte que Roger la Poisse! La dramaturgie dense du film n'est pas, on le voit, des plus rigoureuses, et la plate mise en scène de Cayatte ne contribue pas à en gommer les excès ou les complaisances. Les scènes du procès Laroque frôlent même le grotesque tant elles sont irréalistes et théatrales. Dans ces conditions, les comédiens (à l'exception peut-être de Maria Casarès) ont bien du mal à habiter des personnages si dénués de nuances et de vérité.
Bien sûr, ce film a vieilli... Il sombre bien souvent dans le mélo... mais celui qui goûte l'art des feuilletonistes littéraires du XIXème, trouvera certainement dans cette oeuvre de quoi se faire plaisir. La prestation de Jean Debucourt et de Maria Casares (sans oublier l'inoubliable Jean Tissier) suffirait de toute façon à rendre ce film, non pas remarquable, il ne faut pas exagérer, mais honnêtement charmant.