Quittant l'école en pleurs et en courant, une jeune fille traverse tout son village pour aller s'enfermer dans sa chambre. Que s'est-il passé ? Selon elle, son instituteur lui a fait des attouchements, ce qu'il dément, puis deux autres élèves vont l'accuser de pédophilie.
Suite à ce long plan-séquence d'ouverture, Jean Cayette met peu à peu son récit en place et va mettre cet instituteur face aux témoignages des trois filles en question. Alors, et ce assez vite, il est bien difficile de croire Jacques Brel coupable, d'ailleurs c'est dans ce sens-là que va Cayette, notamment via les flash-back et lorsqu'il s'intéressera à la vie d'une des jeunes filles. Du coup, tout va tourner autour du pourquoi elles disent cela et comment peut-il s'en sortir et c'est là l'une des forces du film, tant il va nous plonger dans l'enfer que va connaitre cet instituteur abattu, sans pour autant être K-O, et réussir à nous faire passer par diverses émotions autour de son sort.
Le sujet est très délicat, Cayette abordant la pédophilie, les faux témoignages ou encore la parole d'enfants mais tout cela est plutôt intelligemment traité, sans excès et s'intéressant surtout à la galerie de personnages où chaque rôle à son importance. Dans ce petit village, il montre aussi l'importance de l'opinion publique, capable d'injustes lynchages et comment elle peut influer, tout comme l'humiliation que va subir Brel, parfois à travers de simples scènes silencieuses qui en disent bien plus que n'importe quel mot. L'ensemble bénéficie d'une écriture solide et de qualitée, sachant toujours trouver les mots justes pour exprimer toute la complexité et difficulté de cette situation.
Alors, s'il y a un léger regret, ce serait plus au niveau de la mise en scène où Jean Cayette, spécialiste du film judiciaire, fait plutôt bien le boulot et se montre efficace, sans pour autant être transcendant. Le sujet est similaire à celui de La Chasse de Thomas Vinterberg, pourtant on ne ressent pas complètement toute l'horreur de la situation de l'instit et la plongée en enfer qu'il y aurait dû avoir. Enfin, ça reste tout de même plus que correct et Cayette met en place une ambiance difficile et un peu lourde, prenante tout le long, trouvant toujours le bon rythme et sachant prendre son temps lorsqu'il le faut. Devant la caméra, Brel représente l'innocence même et s'en sort merveilleusement bien dans ce rôle très compliqué, son premier au cinéma par ailleurs. Face à lui, les gamines sont aussi excellentes (surtout Delphine Desyeux), tout comme Emmanuelle Riva qui ne perdra pas pied et soutiendra jusqu'au bout son mari.
Pour son premier rôle au cinéma, le grand Jacques se fond merveilleusement dans le rôle d'un instituteur en proie à de graves accusations. Sans être totalement transcendant, Les risques du métier est efficace et traite avec intelligence et justesse de thèmes assez compliqués.