Dans la période d'après-guerre, alors qu'ils sont sur un bateau qui vient de partir de Marseille pour Alexandrie, un couple clandestin est découvert par un lieutenant qui les mène au capitaine, qui finira par écouter leur histoire d'amour impossible.
Après Quai des Orfèvres, Henri-Georges Clouzot revient en signant Manon, où il adapte avec l'aide de Jean Ferry le roman L’Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut de l'abbé Prévost et datant du XVIII ème siècle. Sa première force est d'arriver à transposer cette histoire datant du moyen-âge dans la France libérée, et d'en faire une oeuvre sombre et tragique racontée avec l'aide de plusieurs flash-back qu'il gère avec brio.
Comme souvent dans le cinéma de Clouzot, c'est d'abord dans l'écriture que son film se révèle intéressant et même brillant, que ce soit dans le traitement des personnages et de l'amour qui les lie, ou encore dans le déroulement de l'histoire avec un scénario bien construit proposant des rebondissements bien amenés et pensés. Il opte pour un ton assez réaliste et surtout naturel, ce qui se ressent notamment vis-à-vis des dialogues, et l'oeuvre en devient immersive, le metteur en scène du Salaire de la Peur nous donnant l'impression de vivre l'aventure avec eux.
Il propose une réelle réflexion autour de la société Française d'après-guerre tout en livrant une sombre, impossible, parfois surréaliste, à l'image de leur rencontre, mais finalement magnifique et touchante histoire d'amour. Certaines scènes en deviennent mémorables, à l'image de celle du train ou la finale qui peut paraître dure et même morbide mais qui se révèle finalement touchante. Il démontre une réelle maîtrise pour bien mener son récit et en gérer les personnages, leurs apparitions et les rebondissements.
Il opte pour une remarquable mise en scène capable de faire ressortir toutes les émotions et la tragédie de l'oeuvre, tandis qu'il montre une vraie maîtrise technique derrière la caméra, comme en témoigne de nombreux plans. La photographie en noir et blanc a bien vieilli et est assez belle tandis que sa direction d'acteurs est excellente, capable de rendre leurs personnages crédibles, que ce soit Cécile Aubry, Michel Auclair, ou le toujours excellent Serge Reggiani en second rôle.
Henri-Georges Clouzot signe avec Manon une oeuvre remarquable, proposant une réflexion sur la société d'après-guerre tout en livrant une histoire sombre, belle et touchante, portée par d'excellents comédiens.