Comme son titre l’indique, le film de Franklin J. Schaffner est centré sur le général Patton, figure emblématique de la Seconde Guerre Mondiale. Un drôle de personnage (dans tous les sens du terme), au comportement controversé et qui n’a dû sa survie dans cette immense corporation qu’est l’armée des Etats-Unis que et uniquement grâce à ses qualités de fin stratège. Passionné par son métier, il est arrogant, jure comme un charretier, est plus têtu que deux mules réunies et toujours prêt à en découdre, ce qui lui vaut ce côté quelque peu tête brûlée sur les bords. A priori, Patton est un personnage compliqué à interpréter, tant les facettes sont nombreuses. Alors est-ce qu’il n’y avait qu’un George qui était capable de jouer un George ? Je ne saurai le dire, mais tout porte à croire que oui. En effet, le choix s’est porté sur George C. Scott, et il faut admettre que ce choix fut le bon. En plus d’une certaine ressemblance physique, l’acteur a réussi à retranscrire tout ce que le personnage inspirait, à savoir la crainte, l’admiration (ou plutôt devrais-je dire la reconnaissance, ou peut-être les deux), mais aussi la gêne que suscitaient son intransigeance, sa tendance à désobéir aux ordres et sa façon de diriger ses hommes. L’anti-héros par excellence, affublé de sa cravache et son cigare, par ailleurs auto-proclamé « enfant de salaud ». Parmi ses traits de caractère, son côté pince-sans-rire n’a pas été oublié non plus. Et c’est justement là-dessus que le film commence en toute sobriété. Une allocution qui déjà, en dit long sur le personnage. Bien que n’ayant pas aimé plus que ça ce film la première fois que je l’ai vu (il y a trèèèèèès longtemps), je dois reconnaître à l’acteur qu’il a mis tout son cœur dans le rôle-titre. Tout au long de ce (très) long métrage (ah ben oui, précisément 2h44), on se rend compte à quel point George C. Scott est fier d’incarner ce curieux personnage, tant l’envie de bien faire est évidente. Là-dessus, il ne risquait pas de se tromper car George Smith Patton était d’une incommensurable fierté qui en aurait étouffé plus d’un. Pourtant, son amour sans limite à faire la guerre a de quoi faire froid dans le dos. Mais George C. Scott a réussi à le rendre si fascinant… C’est peut-être à cause de ces délicieuses contradictions qui animaient l’homme qui ont fait que je n’avais pas apprécié ce film à sa juste valeur la première fois. J’en étais même rendu à ne pas comprendre la pluie de récompenses qui s’était abattue dessus. Pourtant, Franklin J. Schaffner n’en était pas à son coup d’essai. Loin de là même, puisqu’il s’était déjà distingué avec "12 hommes en colère" (sa première réalisation) et le retentissant "La planète des singes" (1968). Alors oui, le cinéaste maîtrise le style cinématographique qui était en vogue. Et malgré son millésime 1970, "Patton" est digne des productions hollywodiennes que nous avions pris alors l’habitude de voir. Des scènes de guerre espacées par des moments d’accalmie meublés par de longs dialogues, des voix aux tonalités viriles comme on n’en entend plus guère, une utilisation à grand renfort de la musique signée Jerry Goldsmith. Et quelle partition ! Elle est entraînante, voire même enivrante ! Pas étonnant que le compositeur ait été nommé aux Oscars en 1971, statuette qu’il n’obtiendra malheureusement pas. Eh oui, Francis Lai passait par là avec sa musique culte accompagnant le célébrissime "Love story"… En parlant d’Oscars, "Patton" en eut pas moins de 7, ce qui est déjà plus que bien. Mais c’est bien ce film qui est le grand gagnant de la 43ème cérémonie des Oscars, puisqu’il a raflé la quasi-intégralité des catégories reines : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté, et… meilleur acteur pour George C. Scott. Franchement, ce dernier ne l’a pas volé tant son interprétation a écrasé tout le monde sur son passage, de la même façon que l’armée du général écrasait tout sur son passage. Tout le monde ? Presque ! Seul Karl Malden a réussi à exister dans les traits du général Bradley face à George C. Scott. Une sacrée performance, car ce n’était pas une mince affaire que de donner la réplique à un homme pour moitié détestable et pour autre moitié fascinant…et que sa réputation suffisait à faire trembler n'importe qui...