Serpico est un polar typique du registre de Sidney Lumet qui signait aussi, avec cette œuvre, un de ses métrages les plus connus. Si le résultat est en effet à la hauteur, je ne suis pas non plus entièrement convaincu.
Le souci de Serpico, vient sans doute de sa narration, et de son final. Lumet choisit une approche presque documentaire, et cela implique à la fois une grande sobriété dans les rebondissements, mais aussi un « objectivisme » qui pourra agacer compte tenu du sujet. En clair Lumet ne se mouille pas trop, nous offrant une histoire inspirée de faits réels passionnantes, certes, mais avec quelques longueurs, et un manque de puissance. Lumet par exemple ne nous fait jamais ressentir pleinement le jusqu’au-boutisme des antagonistes de Serpico, et on ne le sent jamais pleinement en danger. Quant à la dernière partie, elle reste en-dessous du reste, avec une fin trop abrupte. On en vient presque à croire que Lumet était pressé d’en finir ! Bon, certes j’emets des critiques, mais Serpico reste cependant un polar sur la corruption au sein des instances de police qui a de l’intérêt, et qui est loin d’être raté !
Le casting est surtout représenté par un Al Pacino très solide. Sa prestation doit beaucoup, évidemment, à la nature particulière du héros, excentrique incorruptible qui est un personnage marquant et singulier, mais l’acteur est à la hauteur de l’enjeu. Il a le charisme, la personnalité, la conviction nécessaire pour porter ce héros, et sans être un grand fan de Pacino, force est d’admettre qu’ici il est très bon. Autour de lui beaucoup de seconds rôles pas forcément très connus, mais de bons acteurs, et des personnages qui restent bien écrits. Serpico, en plus, s’il nous présente beaucoup de rôles différents et d’acteurs ayant une importance dans l’histoire, ne s’emmêle pas les pinceaux et on ne ressent jamais le côté « choral » du film.
Visuellement c’est du Lumet. Il faut donc attendre un film urbain de qualité, avec une réalisation un peu académique peut-être, mais un grand soin apporté aux décors, à l’ambiance (très seventies d’ailleurs !). Pour ma part c’est du cinéma classique et appliqué, qui manque sans doute de singularité artistique (mais l’aspect documentaire du film y est sans doute pour quelque chose), mais qui techniquement n’est pas critiquable. La bande son est dans la tonalité du film, elle aussi très propre et soignée, mais peu mémorable.
Serpico c’est avant tout un film au sujet important, qui saisit aussi très bien son époque, et qui repose sur la prestation brillante d’Al Pacino. Si l’on passe sur une conclusion un peu tiède et sur le travail somme toute académique de Lumet (qui reprendre d’ailleurs dans d’autres de ses œuvres certaines scènes de son Serpico), on se retrouve avec un polar de qualité, qui néanmoins, à mon sens, ne mérite pas la réputation de chef-d’œuvre que certain lui accole. 3.5