C'est un film intéressant par le portrait qu'il fait d'un tueur incarné par Galabru: il est magistral dans ce rôle. Intéressant aussi la reconstitution de l'époque les années 1890 en France. Le film cerne l'ambiance, les débats de société, la manière de penser, c'est une vertigineuse plongée dans l'histoire, exprimé avec beaucoup de virtuosité. Cette France se déchire entre droite et gauche déjà, conservatisme et soif de justice sociale. Les hiérarchies rappellent celle d'un autre pays, l'Angleterre victorienne, et tout est sur le point de naître. Le pouvoir de la presse, la religion puissante force de conservation, qui ne parviendra pas à écraser les mouvements sociaux (les anarchistes sont cités toujours défavorablement, alors que la société semble comme figé: mais les injustices sociales sont tellement criantes qu'ils ont un grand retentissement dans la population). Le film fait penser à une cocote minute, à l'image de l'esprit dérangé de Bouvier, qui parfois la rage au ventre, se fait déborder par ses pulsions sexuelles et criminelles, et commet des meurtres qui étonneraient aujourd'hui par leur sauvagerie. Ainsi la question de juger si il est pénalement responsable de ses actes, ou pas, c'est presque reconnaître l'homme dans sa complexité, reconnaître à travers le procès de Bouvier cette ligne de démarcation de l'ordre, la justice hygiéniste, la pensée rationnelle, séparé des pulsions qui habitent chacun, de la colère, de la folie, et cela plaide en faveur de l'anti psychiatrie, quand on voit Philippe Noiret s'abandonner à son désir pour Isabelle Huppert, avec la culpabilité que fait peser la bonne morale. Le film est très riche.