The Entity file avec une intelligence rare la métaphore du viol comme traumatisme d’un passé qui revient sans cesse, une métaphore déclinée sous deux angles concurrents et qui tendent ici à se compléter : le psychologique d’une part, le paranormal d’autre part. Il s’agit une fois encore de la rivalité entre science officielle et science expérimentale, sciences véritable et science-fiction avec ses éclairs bleus, ses jets de lumière jaune, sa montagne de glace qui finit par imploser. Sidney J. Furie compose ainsi un chef-d’œuvre d’épouvante qui réussit à terrifier par la simplicité de ses effets qui, au lieu de chercher la virtuosité, investissent le corps humain pour le toucher, le déformer, le maltraiter. C’est un mal à fleur de peau et dans la peau, un mal autant extérieur – les coups, les pressions que reçoit Carla – qu’intérieur. Le corps devient le carrefour de charges opposées, le réceptacle de mouvements centripètes et centrifuges ; la caméra alterne constamment les plans sur le corps de Carla et celui de la maison, comme si tous deux entretenaient l’un avec l’autre une relation étroite. Nous avons l’impression que les manifestations dans le domicile familial extériorisent les troubles de la jeune mère, les traduisent en architecture, en concret que la clausule propose d’ailleurs de rebâtir, usant d’artifices. The Entity est obsédé par la gémellité, cultive le double depuis ses jeux de miroirs jusqu’à l’utilisation massive de la demi-bonnette afin de rendre nets deux personnages en dépit de la profondeur de champ et du flou qui devrait en résulter. Ces deux réalités mises sur le même plan, en collaboration active, se multiplient à leur tour : science occulte versus science officielle, père du premier enfant versus père des deux derniers, docteur en centre hospitalier versus doctoresse en paranormal. Deux associés du paranormal également. Comme pour rappeler la dualité de l’homme, tiraillé entre un corps physique et un corps métaphysique, entre des besoins concrets et une soif d’infini. Et pour ce faire, Sidney J. Furie donne vie à une œuvre superbe, coup de force esthétique porté par la musique incroyablement moderne de Charles Bernstein – on pense aux sonorités électroniques qui seront utilisées dans It Follows, entre autres – qui passionne et terrifie, annonce le cinéma de James Wan, révèle enfin le talent immense de son actrice principale, Barbara Hershey. Un film magistral et essentiel.