Les années 1960, c'est le musical britannique. On se souvient surtout et avant tout, aujourd'hui, des Beatles (puisque les Small Faces ont tout bonnement et tout simplement périclité !), avant de penser timidement aux Pink Floyd pour se raviser deux secondes après en se rappelant tragiquement que 'The Wall' c'était dans les 80s... Les cinq "Beatles films" sont certes de très beaux films, qui, d'un point de vue plastique, donnent une certaine leçon de cinéma, mais on ne peut que leur reprocher une certaine légèreté insoucieuse, trendy, dandy et un peu trop détachée du monde réel, un peu trop proches du Parnasse, un peu trop "phénomène de mode". C'est pour ça que quand on voit ce 'Head' de Rafelson, ou, pour le dire vite, comment les Américains se sont réappropriés le phénomène pour le nourrir de leur culture sensiblement aliénée - psychédélisme, symbolisme, figurisme... - ça donne un film totalement hallucinant et ahurissant qui mérite très haut la main sa place dans l'histoire, tout d'abord parce que, esthétiquement, la culture américaine "underground" est un bouillonnement en perpétuelle évolution (on pourra penser, au détour de quelque séquence aquatique, à l'incroyable 'Andy Warhol's Exploding Plastic Inevitable' de Ronald Nameth, 1966-67), mais aussi parce que Rafelson se "permet", au-delà de la simple promotion musicale (les Beatles films ne sont finalement qu'un catalogue de vidéoclips noyé dans une narration écrite par-dessus la jambe) un discours sur la musique, picturalement associé, par le montage, à la guerre (ça rejoint par ailleurs un rapprochement que j'avais opéré entre le cinéma d'horreur et les fans des Beatles dans les 2 films de Richard Lester, ce à quoi on m'avait gentiment ri au nez... faut croire que le manque de culture générale fait faire et dire n'importe quoi aux plus prétentieux !), entre autres folies apportées par le cinéaste. Un film incroyable et bouleversant - j'ose le mot..! - de bout en bout. On ne peut pas ne pas penser à deux autres grands maîtres du cinéma anglophone des années 1960 : George Roy Hill et Jerzy Skolimowski. La maîtrise est bien là, servie par un discours abouti et sévère sur le monde occidental. Et la musique des Monkees est jouissive : double plaisir ! Ce film ne mérite assurément pas de rester aussi méconnu.