"Juste follow the money."
Posant d'entrée de jeu les éléments du cadre de l'affaire du Watergate (Nixon en images d'archive, l'immeuble, le "cambriolage", le Washington Post, les journalistes Robert Woodward/Robert Redford et Carl Bernstein/Dustin Hoffman et le tribunal), Alan J. Pakula signe sans doute un de ses films les plus aboutis, qu'il s'agisse de sa réalisation, énergique et alternant plans serrés et plans larges, travellings et plans fixes, de sa direction d'acteurs (Redford et Hoffman, bien sûr, mais aussi tous les seconds rôles) ou de sa narration, linéaire et intégrant ça et là des images d'archive, laissant l'histoire se décanter au fil des dialogues ou, surtout, des longues périodes muettes envahies du bruit de la rédaction, du tribunal, de la ville. Le scénario, signé William Goldman (auteur de Butch Kassidy and the Sundance Kid, George Roy Hill, 1969, avec déjà Redford, et de Marathon Man, John Schlesinger, 1976, avec déjà Hoffman) est l'adaptation du livre-enquête des deux journalistes mis en vedette. Le film sortant seulement deux ans après la démission de Nixon, on peut parler d'une oeuvre au plus près de son sujet, et qui tient toujours la route 50 ans plus tard.
Tout le génie de Pakula et Goldman consiste ainsi à faire vivre l'enquête journalistique de l'intérieur, le politique et la police n'ayant pas pu en flairer toute l'importance, le tout, évidemment sans internet, sans ordinateurs et sans téléphone mobile mais à coups de téléphones fixes et de cabines téléphoniques, de carnets à spirale et de tomes d'identification, de bottins, de recherches en bibliothèque et de petit drapeau rouge accroché au balcon. Cette immersivité est à porter au compte du style réaliste du réalisateur, estampillé Nouvel Hollywood.
Regarder cette oeuvre 50 ans plus tard se résume ainsi à une expérience de mise en abyme : analyser un chef d'oeuvre d'histoire cinématographique qui traite d'un monument d'histoire du journalisme à propos d'un événement historique majeur. L'existence de Wikipedia et un peu de culture historique sont par ailleurs un plus indéniable pour saisir toutes les références à l'actualité contemporaine des faits évoqués dans le film.