Ca ne me rajeunit pas, je l’avais vu à sa sortie et autant le dire de suite : ne me rappelle plus de rien ! Quand le générique de fin défile, j’en ai la gorge nouée. Ce film retraçant la carrière de Frances Farmer m’a bouleversé. Un biopic classique dans sa forme, peu importe, un biopic qui m’informe. A bien y regarder, Frances Farmer aurait pu être une actrice transparente, comme il y en a grand nombre. Par exemple : Edie Adams a tourné avec Bob Hope, a joué dans « La garçonnière » ; elle était promise à une sympathique carrière, on la comparait à Lucille Ball, mais… Lilian Bond, carrière honorable, a donné la réplique à Gary Cooper mais… Cindy Williams a joué dans « American Graffiti » ; elle tourne pour Francis Ford Coppola au point de louper le casting de « Star Wars » qui profite à Carrie Fisher, depuis… Et que dire de Cathy O’Donnell qui connaîtra le succès dès son premier film sous la réalisation de William Wyler ; jouera sous la direction de Nicholas Ray ; se marie avec le frère de William Wyler lequel est en froid avec Goldwyn qui somme l’actrice de divorcer ; menacée d’être rayée des listes, Cathy O’Donnell s’en fiche. Récupérée par Selznick, elle ne parviendra pas à rebondir… Pour certaines, on pourrait filmer leur vie. Frances Farmer a connu de bons films aux côtés d’acteurs reconnus, mais… Comme j’ai pu le lire « Elle n’aurait peut-être dû jamais mettre les pieds au cinéma, ça ne lui correspondait certainement pas » Elle avait l’amour du théâtre et de la littérature. Le cinéma lui paraissait en comparaison plus artificiel. Ce qui n’était pas l’avis de sa mère. Un pied dans cette industrie qu’était Hollywood sous contrôle de quelques nabab s’apparentait à rentrer dans un milieu mafieux où il était impossible de revendiquer une quelconque indépendance. Les rencontres, mariages, évènements ponctuels, publicités étaient cadrés. Frances Farmer était plus qu’une actrice : une femme. Pas n’importe quelle femme, une femme de caractère, mature, rebelle, anticonformiste, hors des sentiers battus, moderne. Que veut dire "moderne" ? Cathy O'Donnell l'était aussi. Elle était hérétique au regard d’Hollywood dont elle avait vite saisi les diktas. On ne badinait pas avec un contrat, quel qu’il soit. Hollywood machine à rêve, machine à broyer. Comme si cela ne suffisait pas, Frances Farmer sera aussi manipulée par Odet, auteur d’une pièce à succès, et par sa mère ! Conduite en état d’ivresse, langage grossier, relations tumultueuses, alcool, internements en asiles psychiatriques, Frances Farmer deviendra malgré elle le terreau d’un bon scénario… pour Hollywood ! Maintenant, quelle est la part du réel dans le film signé Graeme Clifford ? Sa réalisation s’inspire du livre de l’actrice et des témoignages. Ce qui semble acquis : son enfer dans les asiles ; elle parle de viol, on le devine ; de bains glacés pendant cinq heures ou plus, je ne sais plus, c’est terrifiant. Elle côtoyait toutes sortes de femmes, des criminelles, des folles à lier, des handicapées mentales, du temps où les hôpitaux étaient des décharges pour rébus de la société ; « des créatures gênantes » pour reprendre les propos de l'actrice maudite. Par contre, la lobotomie par transorbitaire serait à mettre au conditionnelle. Quant à la présence de Harry York, elle serait fictive. Un fantasme du réalisateur, comme un signe de bienveillance envers Frances Farmer ; lui prêter un ami, un amant indéfectible. Une parenthèse enchantée au milieu de son enfer. Jessica Lange est magistrale dans le rôle torturé de l’actrice, dans ses ruptures de ton, de comportement. Sam Shepar est d’une sobriété émouvante, une colère tout en retenue. Tous deux sont émouvants et la fin du film, même romancée, est bouleversante. Enfin, un mot sur Kim Stanley dans le rôle de la mère : immonde ! A (re) découvrir en V.O bien évidemment…