Difficile de juger « Manèges » en faisant abstraction de la passion que le réalisateur vouait à son épouse. Magnifiée dans « Dédée d’Anvers », elle joue ici une trainée de la pire espèce, comme la qualifie Louis (Jacques Baumer), le bras droit de Robert (Bernard Blier). Ce dernier, époux trompé, est ruiné par la belle Dora (Simone Signoret). Portrait d’une misogynie assumée, qui peut étonner, sauf en remettant le couple Allégret-Signoret dans son contexte. Elle a choisit Yves Montand, et le divorce surviendra l’année suivante. Ceci expliquant sans doute l’absence de profondeur de la morue-maquerelle (Jane Marken) et de sa belle et vénale progéniture. Elles sont détestables, un point c’est tout. Et pourtant, quand dans une brève séquence Signoret dit « je t’aime » dans un souffle adressé à son amant, les regrets surgissent à propos du film qu’il était possible de faire. A la place, le cinéaste nous offre un portrait à charge des deux femmes, contenu dans un récit dont linéarité de béton est vaguement masqué par la construction en flash-back et les voix off de l’époux et de la belle mère. De cette charge misogyne à la légèreté d’une enclume et à la noirceur du charbon, qui n’épargne aucunes femme (le dragon-infirmière chef, la cavalière hautaine, les girls inconséquentes) parviennent à se dégager les prestations épatantes de Bertrand Blier et Simone Signoret, ainsi que les seconds rôles, Baumer et Frank Villard, le bel et glacial amant qui comme son concurrent profite uniquement du physique avantageux de la belle. Car les hommes ne sont pas mieux lotis, à l’exception de Louis. Ce sont soit des salauds, soit des imbéciles. Ce n’est pas un film, mais une vengeance.