"Les aventures de Rabbi Jacob" est un incontournable de la filmographie de Louis de Funès, de la même façon que ce film et l’acteur font définitivement partie intégrante du paysage de la comédie française. Si on y regarde de plus près, qu’avons-nous ? Un scénario réduit à sa plus simple expression, pour nous donner une immense farce. Jugez-en plutôt : un patron industriel avare, raciste (sans jamais l’admettre bien sûr), ne supportant même pas les touristes étrangers, et se rendant compte que son chauffeur est juif, finit dans un lac alors qu’il tente de se rendre au plus vite aux noces de sa fille ; en cherchant du secours, il tombe sur un règlement de comptes entre un révolutionnaire arabe et des tueurs à sa poursuite. D’abord repéré par les tueurs soucieux de ne pas laisser de témoin, Victor Pivert se retrouve otage de Slimane le révolutionnaire, pour ensuite se déguiser en rabbin après avoir croisé la route de religieux juifs en provenance des Etats-Unis. Vous l’aurez compris, le film durant 1h30, les tueurs ne seront en fait pas très doués, donc question crédibilité du scénario, on repassera. Mais pour une fois, ce n’est pas un handicap, puisque cette réalisation de Gérard Oury est résolument tournée vers le burlesque. Et dans les années 60/70, qui est le comédien le mieux placé pour faire du burlesque ? De Funès bien sûr ! Eh bien voilà, c’est un fait : un rôle taillé sur mesure pour le comique français, et on doit admettre que De Funès fait du De Funès, tant et si bien que les autres personnages en sont presque réduits à l’état d’accessoires à travers ce road movie très mouvementé tenu à vive allure. Des répliques cultes
(« vous êtes juif ? Comment Salomon, vous êtes juif ?... Salomon est juif ! oooooooh ! - Et mon oncle Jacob qui arrive de New York, il est rabbin. - Mais il est pas juif ! - Ben si. - Mais... pas toute votre famille ? - Si », dialogue qui vaut bien celui de "Le dîner de cons" avec le prénom Juste)
, LA scène culte (la danse folklorique juive), la musique inoubliable de Vladimir Cosma qui colle parfaitement au film, et les facéties d’un petit bonhomme survolté sont les composantes d’une comédie qui a attiré plus de 7 millions de spectateurs dans les salles. Des petits détails valent aussi leur pesant de cacahuètes, comme cette scène où on voit Pivert, excédé de voir que le véhicule qu’il cherchait à stopper ne s’est pas arrêté, marcher (courir ?) avec ses bottes remplies d’eau et qui débordent à chacun de ses pas avant qu’il ne pense à les vider. Ceci dit, "Les aventures de Rabbi Jacob" est une comédie qui ne demande absolument pas à réfléchir, aussi il ne faut pas y voir de message quelconque du genre "stop à l’antisémitisme". Mais il fallait faire quelque chose de nouveau. Vous noterez au passage que le co-scénariste du film, Josy Eisenberg, est lui-même rabbin, et c’est sans doute à lui que revient cette idée saugrenue de scénario. Tout aussi bien, les scénaristes auraient pu choisir en lieu et place des juifs des personnages du peuple amish, ou des religieux de l’église orthodoxe, ou je ne sais quoi encore. Pour finir, je rajouterai que comme toute comédie burlesque qui se respecte, l’imagination doit suivre son cours au fur et à mesure que les événements s’enchaînent, comme s’il s’agissait d’une improvisation permanente. Personnellement, je rapprocherai "Les aventures de Rabbi Jacob" de "Les vieux de la vieille" qui est également une farce (de Gilles Grangier cette fois, mais avec des dialogues du grand Michel Audiard). Bien que différents, ces deux films ont en commun un scénario qui se résume à pas grand-chose, offrant le devant de la scène aux acteurs-vedettes et tout le loisir de laisser leur talent s’exprimer. C’est chose faite ici, tout du moins pour Louis De Funès, ce qui a le don d’offrir un pur divertissement à un public le plus large qui soit.