Difficile à croire, mais "L’Echelle de Jacob" est un film d’Adrian Lyne, réalisateur conspué par la majorité des cinéphiles. Or, dans cette filmographie interdite où se perdent parfois de beaux nanars, il y a pourtant cette pépite, cette pierre précieuse. D'aucuns diront narquoisement que cette réussite relève du miracle, rien que pour l’éblouissante luminosité de la photographie, mais il y a pourtant des signes qui ne trompent pas… A la base, l’échelle de Jacob est un mythe biblique qui symbolise la séparation de l’Homme et du divin. C’est un titre qui résume parfaitement le parcours de Jacob, un homme désespéré qui grimpe une échelle pourvue de différents univers intermédiaires, constituant l’arbre de vie. Calquant cette structure alambiquée, le scénario de Bruce Joel Rubin, finement retors et grandement porté sur le mysticisme, est le fruit d’un travail très abouti qui possède suffisamment de matière narrative pour alimenter les scénarii d’une dizaine de films actuels. En résulte un film comportant des moments de réelle horreur (la scène de la fête qui se termine en orgie démoniaque ou la scène de la traversée de l'hôpital au milieu de patients étranges et de membres amoncelés) et d'autres plein d'émotion (la fin me met la larme à l'oeil à chaque fois). Tim Robbins gagne ses galons de très grand acteur avec sa performance remarquable dans le film ; Elizabeth Pena n'aura pas ménagé ses efforts pour le garder auprès d'elle ; Danny Aiello est parfait en "ange" protecteur ; et même Macauley Culkin est supportable. Et Maurice Jarre, immense compositeur, nous livre une bande originale très marquante (notamment ce morceau si beau qui accompagne Jacob dans les derniers plans du film). Sorte d'idéal de cinéma, "L’Echelle de Jacob" secoue, effraie, interroge, bouleverse... Des films comme ça, on n’en génère plus. Un film stressant à l’extrême, futé dans son architecture, sur les blessures d’hommes qui ont fait la guerre, à jamais meurtris, et qui, s’ils veulent avoir la conscience tranquille, doivent faire la paix avec eux-mêmes.