Dans la lignée de "Kids", le premier long-métrage qui l’avait révélé en 1995, Larry Clark poursuit son exploration d’une adolescence désœuvrée, filmant sans concessions ni fioritures le quotidien de cette tranche d’âge y compris dans ses aspects les plus crus. Le scénario est des plus passionnants. Été 1993, en Floride.
Bobby et Marty sont deux adolescents. Ils sont amis depuis toujours. Bobby est un garçon méchant et violent qui harcèle et roue de coups Marty. Celui-ci découvre l’amour sous les traits de Lisa, qui s’éprend de lui et ne supporte plus le comportement atroce et sans gêne de Bobby
... "Bully" est un drame réalisé par Larry Clark en 2001. Il s’agit de l’histoire du
meurtre sauvage d’un adolescent perpétré par ses camarades en 1993, en Floride du sud
. "Bully" a eu un grand succès critique avec une présentation dans des festivals majeurs de cinéma comme le Festival du film américain de Deauville, La Mostra de Venise ou encore le Festival du Film International de Stockholm. Larry Clark trouve des bons sujets à filmer, le tout dans une débauche la plus totale et sous les yeux de parents qui essayent de faire de leur mieux sans succès. Mais le cinéaste délaisse le côté glauque et naturaliste de "Kids" pour adopter, en apparence du moins, le ton et les situations de nombreux teen movies de l’époque, d’autant plus que le scénario dépeint le milieu de la classe moyenne de Floride et adapte un fait divers criminel qui défraya la chronique judiciaire. Larry Clark a donc sans doute voulu casser son image de réalisateur underground pour toucher un public plus vaste. "Bully" n’est pas un film de multiplexe mais une véritable œuvre d’auteur, tout en proposant la radioscopie d’une certaine Amérique coincée dans la contradiction entre l’affirmation de ses valeurs fondamentales (bonheur, réussite) et l’absence de conscience morale qu’elles occasionnent. Les adolescents de "Bully" sont en effet assez déconnectés de la réalité, sans aucune conscience morale. Mais Larry Clark ne se la joue pas moralisateur, on s’en doute, d’autant plus qu’il semble éprouver une indulgence (plus qu’une véritable fascination) pour ces êtres déboussolés. Le réalisateur semble émailler son film de références à d’autres classiques sur la jeunesse. Il faut souligner ici l’intelligence du casting. Brad Renfro trouve ici son meilleur rôle à l’écran. Ses partenaires sont impeccables. Mais seuls les "bad guys" Michael Pitt et Nick Stahl (magistraux) connaîtront une carrière honorable par la suite. Entre sexe, drogues et innocence, on a des jeux de rôle où chacun expérimente la drogue, le sexe, la colère puis la vengeance. Le passage à l’âge adulte, on réalise qu’ils ont encore tous un pied dans l’enfance. Pour cette petite bande Bobby Kent (Nick Stahl) est le seul responsable de leur mal-être, c’est sûr que c’est un sale gosse, cruel et pervers. Son
meilleur pote Marty (Brad Renfro) subit chaque jour les conséquences de sa domination et de sa méchanceté et il s’en accommode plus ou moins jusqu’à sa rencontre avec Lisa (Rachel Miner), jeune fille passionnée qui veut Marty pour elle toute seule. La machination contre Bobby prend forme, elle réunit quelques paumés et les persuade de la nécessité de supprimer l’incarnation du mal. Personne ne prend conscience une seconde des conséquences, on n’a pas forcément le sens des responsabilités à cet âge-là. Seulement la justice tranche différemment et c’est 7 jeunes qui vont payer le prix fort
. Ainsi "Bully" c’est tout d’abord un fait divers qui met mal à l’aise, une histoire de meurtre d’adolescents qui est bien plus complexe qu’elle n’y paraît. Larry Clark filme une fois de plus une jeunesse perdue qui se cherche à travers la drogue et le sexe. Les images sont brutes, choquantes, et on assiste à beaucoup de scènes nues. "Bully" montre également de nombreuses scènes sexuelles peu orthodoxes qui traitent de l’homosexualité, du viol et d’autres sujets tabous. La véritable force de ce film est de se contenter de montrer sans jamais tenir un discours moralisateur. Larry Clark propose son film et laisse le public libre d’en tirer ses propres conclusions. Comme pour son premier film, "Kids", on est à la limite du documentaire tant le réalisme est bluffant. Il n’y a jamais d’arguments pour excuser, comprendre ou pardonner les actes. Il s’agit juste de faire comprendre au travers d’un fait divers le mal qui ronge toute une génération, ensuite c’est au spectateur de trouver les clés de cette escalade de violence. La réalisation est propre. La conduite de l’intrigue, de la narration mais surtout des temps morts est très efficacement gérée. Les jeunes acteurs sont impressionnants et leurs personnages très réalistes. Brad Renfro qui joue Marty le meilleur ami de la victime est un personnage effacé qui se laisse maltraiter par son frère de sang. A ses cotés, on retrouve l’excellent Nick Stahl, l’interprète de Bobby Kent, la victime, un individu des plus odieux et détestables, tyrannique, totalement perdu, cruel, pervers, vicieux, sadique et très violent (c'est quand même
un violeur
), que l’on détestera longtemps pour au final éprouver une véritable compassion pour lui lors de
la scène du meurtre, où il essaiera en vain d'obtenir une rédemption
. La scène du meurtre est quant à elle impressionnante avec une tension à son paroxysme et une noirceur monumentale qui nous emporte dans un crime dont on reste bouche bée. Le film permet de faire réfléchir davantage sur l’horreur de ce qu’on regarde et le sentiment de mal-être en est démultiplié. C'est vraiment un film choc, un film "coup de poing", très noir et profondément tragique, violent et cruel, et qui fait véritablement froid dans le dos (le plus choquant est de découvrir que
ce film est inspiré de faits réels
…). A la fin du film, on est vraiment sous le choc de l'horreur dont le film fait preuve. Bref, au-delà d'un film renversant sur l’adolescence avec d’excellents comédiens et une réalisation irréprochable, ce film est aussi la préparation d'
un des meurtres les plus noirs, sanglants et violents
de l'histoire du cinéma. Une véritable claque mais aussi un chef d'œuvre renversant qui ne laissera personne indifférent, à voir au moins une fois dans sa vie, ce film vaut amplement le détour