Là où Rambo : First Blood Part II investissait la passion unissant, le temps d’une mission, le héros musclé à l’espionne Co Bao comme métaphore de l’amour porté à son pays, le troisième volet de la saga aborde la notion de paternité : nous parcourons une galerie de figures paternelles, du colonel Trautman au correspondant en Afghanistan qui ne réussit jamais à laisser son fils derrière lui. Aussi le long métrage revêt-il une importance capitale dans le mythe Rambo, puisque c’est à lui qu’il revient de « fermer la boucle », comme les protagonistes ne cessent de nous le rappeler. De victime de la guerre, il devient père de la guerre, emblème de l’indestructibilité du soldat américain plaçant une foi authentique dans des combats qu’il perçoit telles des missions sacrées, des croisades. Nul hasard s’il bénéficie, à terme, de l’aide des rebelles moudjahidines qui avaient vu, au début du film, leur camp détruit par les frappes aériennes : comme lui ils sont soldats de Dieu, comme lui ils ont tout perdu, comme lui ils se disent morts-vivants, comme lui ils se battent pour la liberté. Ce que fait ce troisième opus relève donc de la superposition idéologique : déplacer l’intrigue vers un cadre arabe pour mieux confondre les visions du monde, enraciner l’art de la guerre dans une terre ancestrale pour mieux le justifier. Nous voyons la saga réorienter le regard critique porté initialement sur la société américaine : de vagabond contraint de s’engager dans une guerre qui n’était pas la sienne, Rambo mute en incarnation de la guerre personnelle qui doit protéger un père de substitution qui, parce qu’il a besoin de son aide, deviendra son ami, qui doit sauver des femmes de la prison et un enfant de la mort. Il est le Père, Dieu sans la clémence, le bras armé de l’Amérique croyante. Peter MacDonald réussit de très belles séquences d’action, en dépit de leur accumulation en fin de parcours et de leur caractère quelque peu haché, conférant à l’ensemble un rythme épileptique inutile : nous retiendrons le face-à-face entre deux avions, la chute dans une grotte sous des flammes ardentes, une chevauchée de centaines d’hommes tout droit sortie des westerns de John Ford. Rambo III délaisse la subtilité pour foncer dans le tas et tout faire péter, greffe un humour lourdingue et souvent hors-sujet – les personnages le reconnaissent eux-mêmes ! – mais « ferme la boucle » de façon pertinente dans un spectacle virevoltant qu’anime, avec son orchestre, un Jerry Goldsmith très inspiré.