(Il y a des spoilers
Ah, le grand succès de Luc Besson. Un grand, long et bleu succès, pour être précis. Pour aborder ce genre de gros morceau dans une critique, c'est à la fois avec le confort qu'octroît la plume et le pouvoir gratuit qu'elle donne à juger l'autre, mais dans une optique où le jugement en lui-même n'est pas gratuit. Histoire d'éviter de faire de cette critique une autre de celles qui se perdent dans le flot à confirmer que "oui, Le Grand Bleu est un film génial", on peut isoler deux "défauts" majeurs dont on ne peut parler que sur la forme. Car dans le fond, Bessson se joue des stéréotypes américains avec un style qui lui est vraiment propre, ce qui donne enfin une variation plaisante à un genre filmique qui reste d'ordinaire très fermé.
Mais dans Le Grand Bleu, cela se retourne vite contre lui car il ne donne parfois pas à ses scènes la force qu'elles méritent. La disparition du personnage de Jean Reno, par exemple, passe relativement inaperçue. C'est étonnant, horrible et franchement injuste parce qu'avec lui, c'est tout de même un sacré carafon qui s'éteint ! Et pourtant, on ne trouve l'écho de la tristesse qu'on devrait ressentir ni dans les conséquences ni dans la suite de l'histoire, comme s'il n'avait en réalité jamais été un protagoniste indispensable. Fort heureusement, c'est une chose largement compensée par l'étude des relations entre les personnages qui sont quand à elles poussées avec perfection à leurs limites les plus improbables. Leurs personnalités sont détaillées avec génie. Quoique, c'est là que se cache le second défaut.
Avec un ultime usage du mot "mais", il convient d'ajouter que la toute dernière image le répare. Si cette critique en fait cas, c'est pour la seule raison qu'il a tendance à prendre une trop grande place trop longtemps dans l'histoire. Or donc : le film brosse le tableau, entre autres, d'un personnage plongé (littéralement) tellement profondément dans sa passion qu'il perd pied (littéralement) avec la réalité, et son entourage en souffre (ou, au mieux, le respecte pour ça, avec perplexité). C'est un thème tout à fait cohérent qu'on regrette juste de voir introduit par le sport, qui n'est pas le véhicule le plus approprié pour porter la notion de marginalité. D'un autre côté, c'était un pari pour Besson qui ne s'en sort pas mal pour "mystifier" tout ça (en faire une fiction à l'américaine, quoi). Et, comme dit précédemment, la dernière image, bien qu'un peu tardive (forcément), est là pour réparer le tout. Sans compter qu'il n'est parfois pas besoin d'aller si loin pour juger d'une telle oeuvre. Exemple : Reno joue vachement bien, quand même, non ?