Les points forts de « Kismet » (Un étranger au paradis) sont la transposition de la musique de Borodine par Bob Wright et Chet Forrest, dont le célèbre « Stranger in Paradise » (de l’opéra « Le Prince Igor »), le choix des costumes avec le jaune et le rouge chers à Minnelli, un casting de premier ordre (surtout vocalement) et des numéros plutôt réussis. La main du grand cinéaste se retouve également dans certains mouvement de caméra et enchaînement de plans d’une fluidité épatante. Ci et là, mais pas tout le temps, car des plans bien statiques, comme, par exemple, la procession du Calife en plan fixe avec un zoom arrière pour cacher (à peine) la misère, rendent au souffle de l’ensemble un côté aléatoire parfois à la limite de l’ennui. Adapté d’un succès de Broadway par Charles Lederer et Luther Davis, qui avaient créé deux ans plus tôt le musical à partir de la pièce d’Edward Knoblock (1910), malgré ses qualités évidentes, souffre d’une impréparation de Vincente Minnelli (seulement cinq semaines), qui, détestant le spectacle qu’il jugeait de mauvais gout, refusa à Arthur Freed de prendre la direction du film. Mais les studios, en la personne de Dore Schary, lui proposèrent en échange, la réalisation de “Lust for Life” roman biographique sur Van Gogh, que le cinéaste, passionné d’art pictural, révait de transposer à l’écran. Minnelli céda au chantage. Toutefois, lorsque le planning de tournage déborda les trois semaines prévues, il s’envola pour l’Europe, Stanley Donen achevant le tournage en quatre jours. Massacré par la presse et le public, « Kismet », au kitch parfois écoeurant comme un Loukoum, reste néanmoins un spectacle chatoyant et agréable, loin de la version statique et ennuyeuse annoncée.