« Injure au représentant de l’ordre ? Mais mon pauvre vieux, personne peut blairer les flics, c’est vieux comme le monde, on n’emballe pas les gens pour ça. »
Rare Maigret où l’on croise Louise, Madame Maigret (Jeanne Boitel), ce Maigret-ci est le premier des deux réalisés par Jean Delannoy, dialogués par Audiard et interprétés par Jean Gabin (qui incarnera encore le commissaire divisionnaire dans « Maigret voit rouge », de son ami Gilles Grangier, sans Audiard, cette fois). Dans les rôles de Lucas et Torrence, on retrouve André Valmy et, surtout, Lino Ventura, lancé 4 ans plus tôt dans « Touchez pas au grisbi » (Jacques Becker), qui avait aussi relancé la carrière de Gabin. Enfin, on découvre Annie Girardot, pas encore la star qu’elle deviendra mais déjà actrice confirmée, Jean Desailly, de la compagnie Renaud-Barrault, qui dépasse ici ses rôles de jeune premier un peu fades pour celui d’un artiste quelque peu tourmenté et un savoureux Guy Decomble, aujourd’hui oublié mais habitué des seconds rôles dans des productions populaires marquantes.
Le scénario, lui, prenant quelques libertés de ton avec le roman de Simenon, nous amène dans un quartier du Marais aux allures du Whitechapel londonien, décor des crimes de Jack l’Eventreur. On y assiste aux meurtres et au piège tendu par Maigret, piège qui s’étire en jeu du chat et la souris, jusqu’à l’interrogatoire final, scène d’anthologie.
La réalisation est à la fois sobre et énergique en fonctions des moments, sans fioritures excessive, sans innovation non plus.
Au final, on assiste à près de deux heures haletantes, ballotté entre les différents personnages et leurs secrets plus ou moins inavouables. Un grand moment de cinéma noir.