D’après le roman «Transfixions» de Brigitte Aubert aux Editions du Seuil.
Paul Huysmans est un commissaire qui en a vu d’autres semblerait-il pour qui mettrait la parole d’un flic au-dessus de tous soupçons. Hélas, parfois pour arriver haut, il faut savoir tirer son épingle des milieux les plus corrompus. C’est là qu’il a commencé, Huysmans, en tombant amoureux d’une prostituée qui était maqué par son frère en personne, alors les petits travelos, il espère qu’il pourra jongler avec comme au bon vieux temps où l’uniforme blanchissait le larron et donner au cinéma le prolongement d’un mythe du flic corrompu qui fonctionne généralement bien et Richard Bohringer n’a pas à trop en rajouter pour faire l’affaire.
Au milieu d’une faune moderne, le commissaire Huysmans mène sa barque et brille de despotisme en mettant la pression sur Marlène (2m10), Maeva (l’Afro) et Bô – très courageuse, allant au devant de ce meurtrier qui mutile des cadavres de prostituées – qui n’hésitera pas à lui faire endurer le retour du bâton.
Derrière cette mascarade du tueur en série qui elle, fonctionne également admirablement bien au cinéma, Francis Girod nous montre un univers de travestis tout meurtri par des tensions familiales dont il ne reste que la plaie saignante des ruptures où l’on se perd dans l’ablation d’une mémoire vouée à l’oubli qui, malgré tous les efforts qu’y mettent ses représentants, garde un air profondément masculin que dépeignent des regards encore tous frais de leur jeunesse encore sans rides à la peau douce. Bau n’a que 20 ans et toute sa queue mais le père qui l’a brisé le vît choisir autrement. Est-il femme ? Bof, pas plus ou guère moins que le pire des mâles qui se surprendrait à avoir des accents de féminité dans sa personnalité. Il a la possibilité d’être femme au point que la société cherche à l’en empêcher par des brimades et des insultes comme si celles-ci soupiraient le cas de conscience que lui posent les cas de sexualités inversées. Touche pas à ma sexualité n’est pas un maître mot lorsque la société tente de récupérer sa jeunesse. Il est femme, aussi fort qu’en son personnage on la confondrait avec Fanny Ardant, jeune ! Ce qui reste quand même soit dit en passant une réussite cinématographique hors pair.
Girod en profite avec un scénario presque classique du genre, dépouillé chez lui, où le flic, les poules et les cadavres servent essentiellement à placer une critique offerte qui condamne certains rouages installés permettant d’accéder au pouvoir. Le retour de Huysmans à Bruxelles est un de ceux-là. Les histoires d’indics qui se font assassiner le sont encore plus. Il ne faut pas laisser de traces, faire taire ceux qui parleraient trop. Le combat social que représente l’identité homosexuelle dans les conformismes qu’elle brasse en conflits est parfois un terrain tarabiscoté où se taisent et sont gardés sous silence les motifs profonds de ces choix pour une protection de l’ordre social absolue où se cachent parfois des hautes personnalités mises en cause, parce que la société se préserve ainsi et que rien n’empêchera les régimes matrimoniaux d’évoluer inversement au sens que l’ordre moral lui dicte dans les petites classes de la vie. Girod tente dans un climat des plus rudes à faire émerger ce conflit social sujet à bien des mépris en y juxtaposant des règlements de compte qui sont autant d’occasions de trouver de faux suspects permettant de faire chanter tout ce petit monde qui danse déjà. L’oppression sociale à laquelle fut sujette la condition homo traduit une volonté de faire des coupables idéales étiquetées au départ de Mauvais genres comme la populace traite les pauvres, les handicapés, les cul-de-jatte ou les onanistes. Tout cela bien entendu dans des systèmes droitiers qui simplifient le tout dans des notions de familles où, dieux merci, de derrière les haies qui cachent leur vaste domaine, nous n’apercevons jamais les violences commises sur des enfants bien en camisole adaptés à marcher droit mais c’est moins reconnu alors que dans des milieux plus fragiles, les vrais assassins s’en donnent à cœur joie et s’ébattent dans des univers où leur police les protégera de leurs dérapages.
Baudoin-femme reste homme et tout simplement humain cherchant sans doute mieux que personne et sans doute mieux encore que ceux qui escomptaient l’accuser derrière sa petite gueule de coupable idéal , l’assassin. Alors là-dedans, Francis Girod dépeint un pouvoir qui s’effrite sous l’influence de mœurs nouvelles où l’accusé numéro un conduit sa propre enquête pour dénicher les vrais coupables parce qu’ils sont la conséquence d’un parcours tel qu’il s’inscrit dans les faits et non pas la suite d’arrangements destinés à protéger le pouvoir. Bau n’est peut-être pas dans l’annuaire mais il est dans le dictionnaire et représente cette traverse qui maintient l’écartement des murailles en soutenant les bordages comme un pont qui relierait la réalité aux injonctions du pouvoir.