Un film très fort, très riche, complexe mais aussi très déroutant, voir dérangeant C’est l’histoire de deux jeunes ados paumés, vivant en marge de la société. Le personnage central est cette jeune fille autiste profonde, qui a pour seul compagnon, son frère, son pilier d’amarrage ; le seul pont avec le monde extérieur. Il la rassure, la console et la guide, Lui est une sorte de petit voyou des rues, vivant de larcins. Mais leur amour est profond intense, fusionnel. Ils ont été abandonné par leur mère, recueillis, et fuient maintenant les institutions d’accueil où ils séjournent, pour partir à sa recherche. Le film évoque de manière remarquable l’autisme (avec beaucoup de similitude avec le récent « Hors Normes », grand succès populaire). Mais Chloé est un cas plus grave, non intégrée dans des structures. Et puis le film s’aventure dans l ‘évocation des désirs et de la sensualité des ces jeunes en marge. Et là cela devient plus délicat. La jeune fille, handicapée, ressent ses premiers émois,mais c’est pour son frère (même si on découvrira qu’il ne l’est pas ) . Le film reste pudique tout en osant aborder cette sensualité naissante, et débordante. C’est très rare au cinéma d’oser aborder ce sujet, et c’est réussi.. La scène de la baignade dans un bassin fumant est superbe, comme un moment de grâce, comme un tableau naturaliste de Ingres , amenant à la découverte mutuelle du corps de l’autre dans ce bain chaud. Un moment très fort. La scène de la libération de Chloé d’un centre d’internement par toute une troupe de jeunes ados , armés de guns, est énorme . Il y a un souffle très fort de liberté, d’authenticité, de révolte à l’état pur.. Cela nous rappelle quelques scènes cultes de l’histoire du cinéma, comme, en tout premier lieu le « Zéro de conduite » de Jean Vigo et sa révolte des écoliers, mais aussi la révolte des pensionnaires de « Vol au dessus d’un nid de coucou » emmené par Jack Nickolson. . On est à ce niveau là. Les deux jeunes acteurs sont exceptionnels, jouant avec beaucoup de profondeur ces situations parfois extrêmes, voir violentes. Christophe Ruggia a puisé à l’école de Abdelllatif Kechiche .On sent une filiation directe, et il pousse ses 2 acteurs, dans leur retranchement, d’autant plus qu’il s’agit ici de 2 pré-ados et c’est encore plus déroutant . Il n’est pas étonnant que ces deux ados/acteurs aient confirmé tout leur talent en tournant beaucoup par la suite et effectuant une grosse carrière .Les acteurs de second rôle sont aussi très bons , prouvant la grande qualité de directeur d’acteur de Ruggia. Le film aborde beaucoup de sujets sensibles, comme la filiation, le handicap et la sensualité, la fracture sociale. Un film étonnant, puissant , hors des sentiers battus, qui ne laisse pas indifférent..