Will Hunting est un film suffisamment profond pour nous faire réfléchir sur le rôle de l’éducation et la figure centrale du professeur dans la construction de chacun. Certes, le côté « pédago » est très accentué, puisque dans le cas présent l’élève est un surdoué qui a des connaissances livresques et qui n’a donc pas besoin de davantage du « savoir » de ses aînés. Tout ce dont il a besoin, c’est qu’on lui apprenne à se servir de ses connaissances à bon escient, à se construire, à avoir confiance en lui-même et dans les autres, bref, à construire sa vie de façon équilibrée pour donner la mesure de son génie tout en s’épanouissant. On retrouve bien la figure pédagogiste : l’enseignant n’est pas là pour donner du savoir, mais pour apprendre à l’élève à se servir de connaissances qu’il a au préalable. Si le propos est intéressant, il ne s’applique qu’aux très très rares génies en ce monde ! Là où le film est plus intéressant, c’est qu’il montre bien que le savoir ne suffit pas, et qu’il faut aller au-delà. En ce sens, il proteste contre la figure du génie qui s’auto construit, se forme seul pour mener sa vie. L’autodidactisme, cher aux partisans du self made man, est battu en brèche, et ceux qui postulent que l’homme ne doit rien à personne et a réussi tout seul en seront pour leurs frais : même le grand génie ici présent ne réussit à rien d’autre qu’à régurgiter des livres appris par cœur, des formules mathématiques et des analyses pointues. C’est ici que le rôle du professeur est mis en avant : c’est lui qui donne son sens aux livres, aux mathématiques, à l’art, qui parvient à le transmettre à l’élève sous une autre forme qu’une masse informe de simples données. C’est l’idée de Montaigne : une tête bien faite plutôt que bien faite. S’y ajoute cependant ce fait : le savoir reste pourtant indispensable, dans la mesure où nous ne sommes pas tous des Will Hunting. En somme, un très bon film magistralement joué. Robin Williams y est excellent en figure paternelle et chaleureuse, de même que Matt Damon en jeune intellectuel rebelle. Soulignons les rôles de Ben Affleck et de son frère, qui restituent très bien les jeunes loubards sympathiques (bien qu’un peu trop au ras des pâquerettes durant l’ensemble du film). L’amourette de Will Hunting est moins convaincante, et aurait mérité un traitement plus affiné. On apprécie enfin le cadre de Boston, des universités, et enfin ce film est l’occasion de pénétrer une fois de plus dans le milieu universitaire avec ses ambitions, ses péchés d’orgueil, sa soif de succès et sa peur de l’échec, et surtout son insatiable envie de retrouver un peu d’humanité et d’authenticité au quotidien.