C'est un film à sketches, autour de la campagne d'Italie de la 2nde guerre mondiale, qui ne sont pas séparés par des cartons mais par des images d'archive, conférant une grande fluidité et un aspect documentaire au récit.
A cet effet, on aurait probablement préféré que le cinquième acte, qui raconte la visite de 3 aumôniers des troupes alliées dans un monastère, soit coupé. Rossellini nous y sert des bondieuseries et une morale tranchante, manquant totalement de rigueur par la faiblesse de son argumentaire et pour la cohérence de l'œuvre. Cet acte comporte une erreur de montage (raccord), indigne. Faute de moyens pour rejouer la scène? Faute de rigueur une fois de plus?
Par ailleurs, d'une manière plus générale, la vision donnée des « deux » camps est très manichéenne. Rossellini semble investi d'un besoin impérieux de fédérer l'Italie autour de son libérateur. On est très proche de l'esprit de la propagande, art dans lequel le réalisateur est passé maitre depuis la réalisation de quatre films fascistes pour Mussolini. Cette volonté est toutefois très loin de l'humilité qui nous devrait être exemplaire: Rossellini est meilleur pour donner des leçons que pour les appliquer à lui-même, ce qui est toujours dérangeant.
En revanche, le film comporte deux points forts récurrents: les acteurs amateurs fort bien dirigés et le talent indéniable avec lequel le réalisateur capte en six voyages l'essentiel des splendeurs de l'Italie (l'objectif documentaire sur la libération de l'Italie est lui-même pleinement accompli).Le filmage des paysages ou des monuments est d'une beauté à couper le souffle.
La première destination est la Sicile (autour du débarquement des forces alliées) et Rossellini nous livre une œuvre parfaite. Suffisamment confuse pour décrire la cacophonie de l'époque mais sans aucunement nuire à l'intelligibilité, d'une puissance tragique incommensurable.
Le deuxième voyage, à Naples, est le portrait d'un homme noir initialement décrit comme un objet ou un animal de compagnie, avant que son humanité ne nous soit finalement révélée. Ce thème est particulièrement primitif, mais la mise en scène est poétique et pleine de tendresse.
La troisième escale, à Rome, la plus intimiste, est d'une grande amertume, d'une noirceur presque fantastique, et d'un grand pessimisme sur les rapports sentimentaux.
Le quatrième acte nous montre les splendeurs de Florence, contrastant avec l'âpreté des combats.
Enfin, le sixième et dernier acte, filmé en plaine du Pô, nous renvoie au premier tout en explorant davantage le thème de la confusion. Il débute en effet sur le plan d'un corps jeté à l'eau avec une bouée sur laquelle est accrochée une pancarte portant la mention "partisan". Partisan de qui? des fascistes? des nazis? du roi? Le sens du mot permettrait toutes ces pistes. Des plans clicheteux et la mise à mort finale nous rappellent une fois de plus qu'il convient de choisir, pour choisir bien, le camp du libérateur.
Ainsi, exemplaire sur le plan formel, souvent passionnante, Paisa est une œuvre didactique et prosélyte, un visage magnifique balafré d'une horrible cicatrice.