Kirk Douglas et encore Kirk Douglas. Décidément, l’acteur de « 20 000 lieues sous les mers » se retrouve dans beaucoup de W des 50’s. Et quelle présence à chaque fois. Une stature, un charisme fou le caractérise. Sa présence, sa domination du casting, sa gueule… Kirk Douglas. Il impressionne à chacun de ses rôles. Sublime. Qu’il soit écorché vif, balafré, roué de coups, pris en tenaille ou qu’il soit viking, il est là, tient la route, et mène son monde comme il l’entend. Ce genre d’acteurs de cette trempe-là, je vote pour, assurément !
Revenons donc à « Seuls sont les indomptés », film de David Miller et peut être de Kirk Douglas, via sa société de production (les plus ardus connaisseurs de cinéma ne savent démêler le vrai du faux). Dans tous les cas, David Miller eut fort à faire avec l’acteur-producteur star à l’origine du projet, tout comme Anthony Mann sur « Spartacus ».
Histoire du film : dans un monde moderne, un authentique cowboy va tenter de faire évader de prison son ami de toujours.
Considéré comme le film préféré de Kirk, le métrage du réalisateur de « Diane de Poitiers » se démarque car il ne s’agit pas d’un western pur et dur. Ici, c’est bien Kirk Douglas qui représente la vie de l’Ouest sauvage, libre de tout vagabondage, d’aller et venir à sa guise où bon lui semble (prison, montagne, bars…). Il est l’anti-héros américain par excellence alors qu’il nous est présenté comme un héros dès le début du film car lié à sa jument Whisky (cela m’a fait penser au chien Marcel du « Vieux fusil » : allez savoir pourquoi !) et libre d’aller où bon lui semble. Sans domicile fixe, il vague à ses occupations. Dire bonjour à la femme de son copain (éclatante Gena Rowlands !: au tout début de sa carrière, bien avant ses collaborations avec son futur mari John Cassavetes). Boire un verre au bar avant de se faire fustiger et casser la gu**** par l’acteur Bill Raisch (revu dans la série « Le fugitif »). Passer par la case prison. Essayer de faire évader son copain (Michael Kane, convaincant, qui se reconvertira : le scénariste des « Dents de la mer 3 », c’est lui !). Se faire fi de la loi –police qui a d’ailleurs bien évolué par rapport aux shérifs d’alors !- (très bonne interprétation de Walter Matthau : « Les pirates du métro », « JFK »). Kirk Douglas incarne ici la bonne vieille Amérique qui n’a que faire des hors-la-loii, chasseurs de primes ou cowboys mal intentionnés. L’acteur des « Sentiers de la gloire » apporte ici tout son sens de la démesure sans cabotiner. Il est le faire-valoir de « Seuls sont les indomptés » en reniant toute autorité. Il devrait en être lynché alors qu’une sorte de nostalgie nous prend aux tripes lorsqu’il lui arrive milles et unes aventures. Un indompté, oui, mais pas n’importe lequel. Un anti-héros. Libre de ses choix et de sa vie. Un loup solitaire qui n’a besoin de personne. Seulement de sa jument Whisky. Un homme abandonné de tous. Quant au final, il démontre que les valeurs que Kirk Douglas incarnaient étaient les bonnes. D’une loyauté et d’un humanisme sans pareil.
Ainsi considéré comme un film humaniste, « Seuls sont les indomptés » adopte donc le point de vue d’un Kirk Douglas vieillissant dans un somptueux N&B (de Philip H. Lathrop, directeur photo de « La panthère rose »-avec Sellers- et de « On achève bien les chevaux » -de Pollack- notamment) et dont le scénario est signé par le désormais connu Dalton Trumbo (inscrit sur la liste prioritaire de McCarthy, il est néanmoins l’auteur-réalisateur de « Johnny s’en va en guerre »).
Egalement, la musique est signée Jerry Goldsmith, pour sa seulement deuxième composition (!). On peut reconnaître son sens du tempo et du rythme, malgré des partitions légèrement brouillonnes comparées à « La momie », « Rambo » et autres « Papillon ». Logique. En revanche, je ne peux que féliciter Alfred Newman, alors directeur musical pour la Twentieth Century Fox, d’avoir recommandé Goldsmith pour ce métrage (voir ma note plus bas).
« Seuls sont les indomptés », pour les raisons évoqués ci-dessus, a donc été estampillé chef d’œuvre des 50’s. Je ne peux renier cette affectation, en revanche, c’est avec mes yeux que j’ai suivi l’ami Kirk au travers de toutes ses aventures. Et je peux dire qu’ils se sont fermés à quelques reprises car le traitement qu’a subi le film, certes novateur pour l’époque, n’a pas réussi à traverser les décennies. Oui, c’est bien filmé, il y a de la bonne musique et les acteurs sont bons, mais ça ne m’a pas suffi. Je m’attendais à une mise en scène léchée, un peu à la John Ford pour qu’on puisse se sentir aux côtés de Douglas. Il m’a manqué ce petit plus côté réalisation et montage pour que je puisse adhérer à ce charme désuet pourtant très bien mis en valeur. David Miller a certes concocté la démythification de l’Ouest mais n’a pas réussi à apposer son sens de la démesure pourtant très bien appuyé par notre très cher Kirk Douglas. Oui, Kirk emporte l’adhésion, mais pas la mise en scène. A mon goût.
Pour conclure, « Lonely are the brave »(1962), chef d’œuvre d’époque et anti-western moderne humaniste, est cet objet de culte auquel les douglassiens se raccrocheront sans aucun problème. Pour les beaux yeux de Kirk, incontestablement.
Spectateurs, spectatrices, un verre de whisky dans votre gosier fera apparaître un Kirk Douglas assis sur son cheval. Etes-vous prêts à embarquer ?
Note : c’est donc Alfred Newman, le père du compositeur Thomas Newman et oncle de Randy Newman, qui a imposé Goldsmith pour « Seuls sont les indomptés ». Alfred Newman reçut neuf oscars au cours de sa longue carrière (1931-1970)-un record !!!- et débuta avec un autre génie de cinéma sur « Les lumières de la ville » pour orchestrer la musique de piano écrite par Chaplin lui-même. Music-maker par excellence (« Cardinal Richelieu »(avec John Carradine), « J’ai le droit de vivre » de maître Lang, « Boule de feu », « Eve », « Nevada smith »), maître Alfred Newman fait donc partie des huit incontournables de la musique de films avec les Korngold, Rozsa, Steiner, Tiomkin, Victor Young et Morricone.