1974, de Steven Spielberg, avec Goldie Hawn, William Arherton, Ben Johnson. Construit sur une trame simplette, inspirée d’un fait divers réel, ce road-movie, poussif au début, glisse vers une course poursuite passionnante, dont chaque détail, chaque personnage, chaque situation, concourent habilement à brosser un tableau bouleversant de vérité d’Américains sur le fil du rasoir, entre immaturité et sagesse, entre violence et compassion, entre finesse individuelle et stupidité collective. Le grand Spielberg est aux manettes : il avait juste réalisé (pour la télé) le remarquable « Duel », une course poursuite, déjà. Un jeune couple de délinquants mineurs prend en otage un policier pour aller récupérer leur bébé, placé dans une famille adoptive. Leur véhicule est pris en chasse par des centaines de voitures de police (images formidables), pleines de flics aussi sots qu’inutiles, à l’exception d’un officier qui entend bien poursuivre sa carrière sans tuer quiconque. Le passage du convoi surréaliste est l’occasion pour le cinéaste de nous montrer une société construite comme un jeu de cubes aux arêtes tordues : des gens expriment dans des scènes de téléréalité avant l’heure, leur compassion pour la jeune mère immature, des rangers affichent leur désir de jouer de la gâchette, tandis que l’otage tente de protéger les fuyards si infantiles et braves contre eux-mêmes. Goldie Hawn joue remarquablement cette femme enfant irresponsable, qui pose un regard naïf et ahuri, amusé et inquiet, sur une histoire qui la dépasse tristement.